lundi 28 décembre 2009

Ouvrir les cimetières de la démocraties représentatives

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur Noel, que j'ai vécu ici comme une fête populaire, un grand rendez-vous familial et amical.

Mais il se trouve qu'un article de ma plume ( mon clavier) vient de paraitre sur le site Legrandsoir.info. Il traite de chose pas gaies, mais qui sont tout aussi importantes pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui ici.
On parle de mémoire, de guérilla et de IVe République. c'était il y a à peine 27 ans.

mercredi 16 décembre 2009

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le pouvoir populaire

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Vous le savez maintenant, l'organe de base de la révolution bolivarienne est le conseil communal. On en parle beaucoup, souvent, et pourtant il est difficile de se représenter ce que c'est exactement. J'ai pu rencontré un membre d'un conseil communal qui a su très simplement m'expliquer tout ce qui peut se passer là dedans, y compris les problèmes rencontrés.

-Un peu d'histoire

Les conseils communaux ne sont pas nés avec la Révolution. Ou plutôt, il existait auparavant des structures multiformes, comités de voisins, comités de santé, comité pour la terre, pour les plus anciens. Avec l'entrée en campagne en 1994 de Chavez, des groupes de citoyens ont commencés à former des cercles bolivariens, organisations politiques d'appui populaire, qui ont demeurés après l'arrivée au pouvoir de Chavez et ont commencé à entrevoir une structuration des quartiers. Mais sous l'impulsion de Chavez, cette idée de « conseil communal » prend son ampleur véritable avec le cadre de la nouvelle constitution approuvée à 70% en 1999 et surtout la loi des Conseils Communaux en 2006. Les principes sont simple : « démocratie participative et protagonique ».

Reste à les mettre en application. A partir de 2007, l'élan est lancé. Des conseils se créent dans tout le pays selon des règles plus ou moins strictes. Il existe selon le ministère aujourd'hui les 34 000 conseils communaux dans tout le pays.

- la naissance d'un conseil communal

Tout commence par un groupe de gens dans un quartier qui ont peu ou prou envie de faire bouger les choses, chavistes ou non d'ailleurs. Que ce soit dans les quartiers populaires des grandes villes ou dans les communautés rurales, paysannes ou indigènes, les conditions de vie sont souvent difficiles, parfois extrêmes, et certains problèmes locaux urgents ne sont visible que par les habitants de la communauté. Ce groupe de gens commence à se réunir et forme un comité électoral. Celui-ci va avoir eux tâches :

d'une part faire du porte à porte dans la zone concernée pour établir un état des lieux complet de la situation avec les attentes de chacun des habitants. Il n'y a aucune obligation de participation et tout le monde a droit à prendre part à cet état des lieux.

D'autre part, organiser les élections des membres du conseil communal. Dans celles-ci, chaque habitant va voter pour au minimum 3 différents comités. Un comité des finances, un comité de contrôle, et le comité exécutif.


Ce comité exécutif est lui-même composé de l'ensemble des comités du conseils, cela peut varier, j'ai pu assister à une élection où il y avait 16 comités différents : santé, éducation, location, sécurité, sport, culture, égalité des genres, ...


- l'élection


Pour être valables légalement les élections doivent rassembler les votes de plus de 60% des habitants de la communauté.
On élit donc ses représentants, avec un vote à bulletin secret avec comme preuve de vote un doigt trempé dans l'encre.
Le dépouillement est réalisé par le comité électorale et doit systématiquement être public. Si une personne pose un doute sur ne serait-ce qu'un bulletin de vote en trop ou manquant, l'ensemble des bulletins doivent être recomptés.
Les représentants sont élus pour une durée de 5 ans. Le conseil prend alors son nom, généralement celui de sa communauté, ou parfois d'autres noms plus parlants pour les habitants.


- Le développement des projets


Chacun de ces comités va ensuite se consacrer à son domaine et proposer un projet. Ce projet ne sort pas de nulle part puisque chaque comité va se référer aux besoins de la population qui ont été exprimés dans l'état des lieux précédemment réalisé. Le comité a également la charge d'établir le budget nécessaire pour son projet.

Une fois établit le projet et budgétisé, celui-ci sera présenté par le/la ou les portes paroles élus devant l'ensemble de la communauté, réunie en assemblée du comité exécutif. Quand on parle d'une réunion de conseil communal, il s'agit de ce rassemblement général de l'ensemble des comités. Les portes paroles y sont bien sûr présents mais tout membre de la communauté peut y assister. S'il y a des votes à faire, l'on convoque les habitants pour le conseil communal suivant.

L'exécutif va alors décider en fonction encore une fois des besoins les plus urgent exprimés par la communauté, quel projet sera lancé en priorité et ces informations sont transmises au comité de finances. Celui-ci est là encore bien structuré puisque qu'il y a toujours au minimum un porte-parole, un secrétaire et un conseiller financier. Toutes ces personnes sont formées par des ateliers et des formations données de manière gratuite par le ministère.
Le ministère du Pouvoir Populaire pour les Communes va alors allouer les fond via le Fond de Développement Communal (Fundacomunal), qui sont parfois très importants et la gestion revient à la banque communale, soit au comité financier. Le comité de contrôle s'assure que les fonds alloués seront bien acheminés vers leur destination, et surveille également la bonne tenue des mandats, le suivi des projets etc ...

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L'exécution pratique



Le projet est lancé, l'argent est arrivé, on passe à la phase d'exécution. Il s'agit d'une dynamique locale donc doivent être systématiquement privilégiés les travailleurs de la communauté. C'est seulement si la communauté ne dispose pas des équipes nécessaires que celle-ci peut utiliser un main d'œuvre extérieure, là encore sous l'œil du comité de contrôle. Ces travailleurs seront embauchés de manière contractuelle, pour exécuter la tâche précise demandée, avec toutes les conditions sociales légales qui vont avec : tickets resto, 13e mois, retraites, assurance maladie, ...

Parfois, il n'y a pas besoin de finances étatiques, juste de main d'œuvre volontaire : nettoyage des rues, réparation d'un transformateur électrique. Les choses s'organisent évidemment aussi de manière moins formelle et beaucoup plus rapide, entre voisins.


- Formation permanente


Tout ce travail est évident plutôt compliqué pour des personnes n'ayant jamais géré un budget ou ne sachant pas dépsoer un projet. Le gouvernement par le biais de l'Ecole de Planification du Pouvoir Populaire et du Fond de Développement des Conseils Communaux (Fundacomunal) organise donc régulièrement des ateliers de formation pour les représentants des conseils communaux. Fonction politique du conseil, organisation des projets, structure pratique, tous ces aspects évoqués sont ensuite diffusés dans les communautés par les représentants présents, afin de multiplier les savoirs.

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-Les salles de bataille sociale

autre du président du Venezuela, mise en pratique depuis 2007. Les Salles de bataille sociale (SBS) sont des lieux de rencontre, de partage d'expérience et de coordination des différents conseils communaux. Ils n'ont pas de valeur décisoire. Les seuls maitres des décisions restent les habitants organisés.

Cependant, certaines communautés (comme celle de Gramoven) sont allées plus loin puisqu'elles ont décidées d'unir plusieurs conseils communaux pour donner naissance à un conseil sectoriel (consejo parroquial). Cela a pour principal avantage de donner naissance à des projets de plus grande ampleur.


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- Les problèmes courants


Les conseils communaux rencontrent deux principaux problèmes :
le manque de participation de la communauté, dont parfois cela tient à des motifs purement idéologiques, les conseils communaux étant perçus par l'opposition anti-chaviste comme un organe local de contrôle du gouvernement. Mais la majorité des habitants ne participant pas ne trouve pas tout simplement pas d'utilité à sa présence et délègue aux représentants des comités le travail militant.

L'exposition des individualités. On retrouve quasi systématiquement des gens qui vont vouloir imposer leur vision, écraser celles du voisin, déclencher des querelles de personnes qui parasitent les conseils, et qui contribuent à parfois décourager de nombreux participants. Les querelles d'organisation sont souvent de ce ressort elles-aussi, sommes toute, le lot de n'importe quelle organisation collective.

Il y a également les problèmes de corruption, les sommes en jeu étant très importantes, l'argent est parfois mal géré, ou pas géré du tout. Et des larges part disparaissent parfois dans la nature.


-La réforme de la loi des conseils communaux


Pour parer à tout cela, le gouvernement est actuellement en train de discuter une loi, devenu organique, soit à valeur supérieure, réformant l'ancienne loi des conseils communaux. Les représentants des conseils communaux ainsi que la population participe au travers de tables rondes dans le pays à l'élaboration de cette loi.
Celles-ci alourdit considérablement les sanctions à l'égard de ceux qui seraient pris en train de se servir dans les caisses. Également la loi me en place un guichet unique, soit une instance unique dépendant du Ministère pour les communes, qui se charge de l'ensemble des questions, certaines touchant souvent plusieurs ministères à la fois (finance, communes, éducation, santé ...). enfin cette loi crée également un droit à la remise en question d'un mandat à n'importe quel moment si un ou une représentant-e: n'effectue pas son mandat ou agit pour son intérêt propre.


- Les conseils populaires de communication


cette fois l'idée revient à la chaine de télévision Vive TV, qui au travers de l'école latino-américaine de cinéma et de télévision a impulsé dans les quartiers la naissance des conseils populaires de communication. Il s'agit non plus d'une simple commission communication dans les communautés, mais bien d'un processus de ré-appropriation de l'information par en bas. Là encore, des formations sont dispensées, les principaux thèmes abordés étant l'aspect théorique de la communication populaire avec la critique du modèle médiatique dominant, et la guérilla communicationnelle : il s'agit juste des outils pour donner les informations sur ce qu'il se passe dans sa communauté : fabrication de pochoirs, peinture murale, journal communal en sont les principaux. L'idée est toute récente mais ceux ci se développent rapidement au travers de l'ensemble du pays.


- Vers les communes socialistes

Un récent projet gouvernemental prévoit d'aller encore plus loin. Il ne s'agit plus seulement de gérer localement la communauté mais bien qu'elle participe à la vie politique nationale et qu'elle puisse construire ses propres outils politiques populaires, en démocrate directe. C'est l'idée des communes socialistes, l'objectif étant qu'à terme, les communes surpassent les mairies et les governaciones (gouvernement étatique) pour avoir une exécution directe des politiques nationales sans organe intermédiaire. c'est le dernier projet en date, qui est encore à l'état théorique et commence à peine à être envisagé sur le terrain.

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-La mort d'un conseil communal


Sachez également que les conseils communaux ne sont pas toujours éternels. Dans certaines communautés, on en a déjà crée un troisième, parce que le premier n'avait aucune participation, ou le second avait été récupéré par l'opposition qui ne faisait aucun projet communautaire mais s'en servait comme d'une tribune politique.

Une chose est dans tous les cas bien certaine, sans les conseils communaux, le Venezuela ne vivrait peut être pas ce qu'on ose appeler une révolution.

Noticiero Globovision


Je suis sur la chaine de télévision privée Globovision.
Un JT, un simple JT, dont j'ai pris la peine de vous le retranscrire quasi en temps réel.

Générique. Un homme, une femme, blancs por supuesto. c'est parti.

Le journal commence : le présentateur présente ... le dernier écran plat Cyber Lux, disponible partout, dans toutes les tailles, cyber lux, le mieux pour voir son match de base ball en haute qualité .. »

Retour plateau.

Premier sujet : les banquiers emprisonnés pour malversations financières. Trois d'entre eux ont obtenu la liberté conditionnelle : images en direct à la sortie de la prison de Yaré, où ils se trouvaient, avec un petit groupe de militants d'opposition et zoom sur les larmes des pauvre banquiers enfin libérés. Le zoom reste une bonne minute avec voix off « comme vous le voyez, leurs souffrances ont été terribles ». On n'en saura pas plus ni sur les origines, les causes.


Sujet suivant.

2 étudiants assassinés dans l'État de Tachira. La chaine « relaye » un appel à la grève générale dans l'État. « les étudiants et les travailleurs unis pour dénoncer ce crime odieux et exigent que le gouvernement commence à enquêter ».


Puis le dossier spécial sur la tragédie de Vargas. 10 ans déjà qu'une catastrophe naturelle à secoué cet État du Venezuela avec des centaines de milliers de sans abris. Reportage sur place avec un journaliste qui arpente les débris des habitations : « nous y voilà, 10 ans après c'est comme si c'était hier. La douleur, les témoignages ... » flash et en musique (triste soit dit en passant) livre les témoignages, de pauvres gens restés là, qui « depuis tout ce temps, on n'a rien vu venir, on souffre, et on a finalement décidé de s'organiser. » On ne les entendra pas plus puisque leurs paroles sont coupées par le « reporter » qui commente alors qu'on les voit parler sans son.

Retour reporter : « comme vous le voyez, rien n'a changé, rien n'a été fait la le Gouvernement, ici c'est toujours la misère, les souffrances, les témoignages » et retour sur les trois même témoignages que le « reporter » a eu le temps de recueillir. Et puis ?

Retour plateau. Une page de pub.


Ah tien on change de format publicitaire :
« ce communiqué est diffusé de forme gratuite et obligatoire, en application de l'article 3 de la loi des télécommunications » : Un spot montre une vieille dame, devant sa télé, et sa maison prend feu. Absorbée par son film (violent), les pompiers arrivent alors que le feu prend de toute part, ils l'appellent, celle-ci se se lève et les attaque avec un couteau reproduisant les actions du film.

Coupure :
campagne pour la conscience sociale : les médias ne disent pas toute la vérité.
Gouvernement Bolivarien du Venezuela.


transition avec ... « les meilleurs matelas (bruits de fond d'une femme qui jouit) sont chez » ... ça va trop vite, même pas la seconde de répit entre chaque pub, on passe à la nouvelle machine à laver non là c'est l'entreprise de téléphone, Digitel, présentée par ... les présentateurs. Puis encore trois autres pub. Retour plateau.

« tout comme la place bolivar, tout le monde connait où se trouve Zoom, Zoom, nous sommes partie de ton équipement, visitez www.zoom.ve»
Et le même reprend son journal comme si de rien n'était.
Les envahisseurs de l'édifice (...) dans l'est de Caracas sont encore revenus cette nuit ». Qui sont ils ? « les habitants sont fous de rage : « ils viennent, ils font croire qu'ils vont acheter quelque chose et puis ils restent à l'intérieur et s'enferment pendant des heures nous empêchant d'aller travailler ». J'ai pas compris. Eux non plus. Pas grave, changement de sujet.


« International : le tour du monde en 60 secondes ».

« le ministre des a confirmé la présence des FARC au Venezuela il demande des représailles sur Berlusconi hospitalisé pendant encore quelques jours pendant la conférence sur le climat au point mort avec un nouveau panda dans un zoo, .. ... ». 60 secondes et voilà, on sait l'État du monde, on passe à l'économie.
Juste avant : une petite page de pub, par les présentateurs là encore :
« vous voulez investir ? Quelle bonne idée. Tant de chose à faire. Ou allez vous recevoir le meilleur appui ? Kéops, la meilleure solution pour vos investissements financiers»
Deux sujets éco, un communiqué pour les épargnants des banques dans lesquelles l'État est intervenu. Un autre sujet sur ... « Je vais maintenant vous parler de Klin, les premiers pas de nos petits sont importants? Anti bactérielle, ultra absorbante,. Klin, c'est l'arme d'avant-garde dès les premiers pas, Klin » On parle de couches culotte pour bébé.
Une page de pub. Et voilà la page sport, dernier match de base ball, 2 min montre en main.
Le journal s'achève. « Bonne nuit, faites attention à vous ».


A tiens, revoila les journalistes, une dernière pub, encore Digitel (téléphones mobiles), les deux sont là cette fois.
Pub, re pub. Re re pub.... tunnel de pub.....


Écran fixe : programme de santé : ce programme contient des images de sexe, violence, non adaptées à un jeune public. Accompagnées les personnes mineures. Et ce qui suit c'est un ...show télévisé ! Et ça recommence, ils font des blagues que même le public ne ris pas. Leurs voix sont stridentes, ils parlent de tout et de rien, placent une vanne contre le gouvernement qui en fait rien contre les coupures d'électricité.


L'invité du jour : une avocate qui vient plaider la cause d'une des « prisonniers politiques ». Elle commence son explication, légaliste mais pertinente, avec une argumentation en béton sur les erreurs du gouvernement. Un des présentateurs présent la coupe : « oui au fond, vous ne faite que confirmer que ce président est mégalomane, que nous sommes en dictature catro-communiste »


J'éteins la télévision.

globovision te rend malade, globovision ne t'informe pas

Notes complémentaires :

-tragédie de Vargas : catastrophe naturelle du cyclone el Nino, ayant eu lieu il y a dix ans, le même jour que le vote pour la nouvelle Constitution (approuvée à 70%). clairement mal géré avec d'énormes retards. Mais le gouvernement a quand même réquisitionné des dizaines de logements dans tout le pays pour aider les sinistrés. Le gouverneur de Vargas estime qu'aujourd'hui 70% de l'État (entièrement dévasté) est reconstruit.

-2 étudiants assassinés : les anti-chavistes accusent un groupe d'étudiants de l'université bolivarienne, ultra-chavistes, donc mêlé au pouvoir. Les chavistes dénonceraient la police métropolitaine, sous les ordres d'un gouverneur d'opposition. l'enquête a commencé mais pas encore aboutit.

-Relations Chavez - Farc : Comme n'importe quel gouvernement vivant avec des groupes armés à sa frontière, il y a des rencontres, mais les Farc ont toujours tenu à ne pas pénétrer dans le territoire vénézuelien et préfèrent que le conflit reste une affaire interne à la colombie. On oublie souvent mais en terme d'atteints aux droits humains les chiffres d'Amnesty International sont : 70% pour les paramilitaires et 30% pour les guérillas (Farc, ELN)

-Intervention dans les banques : ces malheureux banquiers enfin libérés sont avant tout coupable d'avoir détourné des sommes extravagantes d'argent, l'État ayant entrepris une politique d'assainissement du secteur bancaire. Mais à chaque nationalisation on découvre une nouvelle affaire de corruption dans une autre banque privée, etc ... Dernièrement c'est le frère d'un ministre (qui a démissionné) qui est tombé pour corruption.

-conférence sur le climat : les délégations de l'ALBA ont déclaré d'une seule voix accepter de prolonger Kyoto et de prendre un nouvel accord avec mesures contraignantes dans lesquels les pays riches s'engageront à prendre leur part dans les émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu'à transférer les technologies vertes aux pays moins développés.

-spot fixe de santé : imposé par la loi des télécommunication pour limiter l'exposition télévisuelle à la violence des jeunes. Un peu comme le fait notre CSA français.

mardi 15 décembre 2009

Antichavisme : généralités populistes

Les anti-chavistes sont ignorants. Pas imbéciles ni stupides, ignorants.
Ignorants de la politique de leur pays, des dynamiques collectives, ignorant de leur conditionnement social, confondant révolutionnaire et chaviste, socialisme et communisme, droits de l'homme et propriété privée
ignorance qui les pousse a accepter comme possible une autre réalité.
A tel point qu'en 2002 alors que le coup d'Etat de ceux là même suivait son cours, plusieurs millions de personnes défilait dans le centre de Caracas en soutien à Chavez. Mais ils ne "savaient pas".

Les anti chavistes sont méprisant pour Chavez qu'ils haïssent jusqu'au plus haut point, mais aussi pour ceux "d'en bas" ce "Peuple" dont on ne sait qui il est, tantôt stupide, dogmatisé, ou manipulé,
tantôt violent, voleurs, paresseux, sales. Et puis dépensier, qui leur volent leur électricité, leur eau, alors que, eux, subissent les coupures d'eau, les apagones (coupures d'électricité).
Avec des discours flânant parfois avec le classique "ils sont trop mal éduqués pour voter".
Classe laborieuse, classe dangereuse disait-on il y a déjà un siècle.


Et à l'inverse ils ont aussi un complexe de supériorité qui leur fait croire que eux, la classe moyenne, sur-visible à la télévision, représentent la majorité voire la totalité de la population : "Chavez doit être le président de tous les Vénézueliens" disent-ils. Ils sont dans les faits entre 25 et 35% à être anti chaviste, taux évoluant assez peu au fil des élections.Ce n'est pas pour rien que Chavez a gagné TOUS les scrutins sauf un (en 2007) depuis le début du processus.

Ils sont anti chaviste comme nous avons chez nous les anti sarkozystes. (soit ceux qui ne militant pas pour un changement de société bien entendu). Sans projets, sans débouché politique, avec des divisions internes pour le leadership, ne portant rien sinon du vent, aucun idéal, dans la contestation systématique, chaque mouvement de Chavez étant perçu comme une attaque contre eux, ils s'opposent à tout, y compris à des mesures pouvant aller dans leur intérêt personnel. Et pour cela ils peuvent, comme en 2002, utiliser la violence.


Le plus surprenant, c'est qu'ils doivent tout ou presque au processus.
Ceux-là même vont acheter leur nourriture moins chère au Mercal, tout en expliquant qu'il n'y a rien à manger à cause des rationnements. Ils se font soigner à Barrio Adentro tout en expliquant que les cubains font du mauvais travail. les mêmes bénéficient des programmes d'aide aux personnes âgées, aux handicapés, aux femmes enceintes, et crachent sur l'assistanat.


Cette classe moyenne anti chaviste a tout simplement peur.
Peur de l'autre, du pauvre, peur de la dictature, peur de son voisin,



Car il ne faut pas se faire d'illusion. Si l'on enlève les crédits et les quelques avantages en nature de leur travail intellectuel, plus favorisé que le travail manuel, ils sont comme les autres.


Bassement marxiste comme idée, mais la question de la classe moyenne a depuis longtemps été un outil pour diviser la classe des exploités. Avec succès.


Comment leur en vouloir de défendre leurs "minimes privilèges", de haïr le pauvre et d'envier le riche ?
Et la crise actuelle leur en a fait brutalement prendre conscience. 40 ans de néo libéralisme, et bien plus d'éducation à l'individualisme, l'égoïsme laissent des traces. Ils ont voté pour les partis qui ont exécuté la répression pendant 40 ans allant jusqu'à faire entrer les chars et l'armée dans l'université. Et ce sont leurs enfants dans cette même université (l'UCV) qui manifestent aujourd'hui contre les lois de démocratisation de l'enseignement.

Un chiffre ? Taux de pauvreté : 1996, 80% de la population. 2006, 30%. Chiffres ? de l'ONU bien sûr.

Cette classe moyenne n'était que peau de chagrin avant le chavisme.


Ou alors tellement réduite que ridicule. Elle s'est considérablement développée grâce à lui et ses politiques de redistribution (et mourra avec lui)
Et c'est peut être ça qui les rends si haineux, si anti chavistes. C'est qu'ils ont une dette envers Chavez. Il les a enrichis au début en commençant à redistribuer à les richesses. eux qui n'était pas tous forcément aussi fortunés qu'ils le sont aujourd'hui. Ce n'est pas qu'ils se sont enrichis sur la révolution (ça c'est la bourgeoisie bolivarienne ou boliburgesia), c'est plutôt qu'en diminuant les inégalités ils se sont retrouvés de fait avantagés. Et aujourd'hui, Chavez continue de redistribuer plus largement à ceux qui n'ont toujours rien et ce sont ceux-là même qui se retrouve "victimes des politiques redistributives". Ils font une fixation sur Chavez, car il représente tout ce qu'ils haissent : l'autre, l'étranger, le métis, le pauvre, le populaire.
Tout ce qui sort de leur idéal : occidental, blanc, riche, autoentrepreneur, libéral.
Ils dénoncent le castro-communisme rampant, le culte du chef qui est extrêmement fort chez eux, en permanence focalisé sur Chavez, qu'ils haïssent autant qu'il leur est indispensable pour se sentir exister.
Ils se disent en dictature, disent qu'ils n'ont pas possibilité de s'exprimer, et le disent sur tous les médias d'opposition, télé radio, journaux, à l'étranger, même sur les murs ou dans la rue.


Les voila donc les anti chavistes. Demain ils manifesteront pour la liberté d'expression. Après demain ils se plaindront de leur pouvoir d'achat qui diminue, le surlendemain, ils s'insurgeront contre la violence qui augmente. Puis ils manifesteront contre la nouvelle loi de la Police Bolivarienne, nouvel instrument de la dictature chaviste.OU contre la fermeture (non renouvèlement de concession hertzienne) d'une chaine d'opposition (disponible sur le câble) et pour les droits de l'homme.
Et c'est comme ça depuis 10 ans m'affirme-t-on ici. Ils sont tellement dans leur monde parallèle qu'il est très difficile pour les déçus du chavisme de se rallier à eux. Ils ne montent pas en puissance.
C'est la critique des problèmes dans la révolution qui prend (un peu) d'ampleur.


Mais ce qui sauvera le processus pendant encore un bout de temps, c'est qu'ils sont tellement pétris de haine, d'individualisme, tellement irrationnels, qu'ils ne peuvent pas s'organiser collectivement pour défendre leur vision politique commune. Et quand ils le font, corruption et lutte de pouvoir reprennent le dessus très rapidement. Le seul moyen pour eux de détruire le processus est la violence. Ils le savent et ont échoué en 2002, où ils auraient pu renverser la dictature.
Mais voila, si pour eux rien n'a changé, les pauvres, les miséreux, les exclus, ont retrouvés leur dignité.
Et ça ils l'avaient oublié en 2002, et ils l'oublient toujours. Et c'est ce qui sauvera ce processus.
car les pauvres eux, s'organisent, s'éduquent, critiquent et s'auto-critiquent, manifestent, et avancent, lentement (trop?), mais surement.


PS : je sais que ceci était un panorama totalement à charge, né de ma défiance contre les propres membres de ma classe sociale, dans une tentative de rejet systématique pour expier en vain mon habitus petit bourgeois. Merci de me le rappeler.

Antichavisme : ballade dans les quartiers Est

Au delà du discours parfois troublant (c'est le moins que l'on puisse dire) juste quelques mots sur ces quartiers de l'est. Je ne les connais pas, où très peu. La première fois que je suis allé dans un barrio, c'était pour célébrer la naissance d'un programme de construction autogérée. Donc mes a priori (ils sont pauvres, ils sont malheureux, comment les aider ?) sont vite tombés. En revanche, n'ayant pas pu m'intégrer aussi facilement au cadre de vie des classes moyennes, je n'ai que l'apparence. la voici.

Je me suis donc baladé hier rapidement dans les quartiers de l'est. J'ai commencé par le plus fameux, le rendez-vous branché de tous les jeunes de la vie caraquègne (de Caracas) : Sabana Grande.

De part et d'autre de la rue de grands immeubles, en bon état, les rues assez propres, des gens habillés de manière bien plus fashion ou à la mode.
Sur les côté les boutiques, d'habits, d'électronique, de tout ce que l'on veut, 2 fois plus cher qu'un km plus loin évidemment. même les gobelets en plastique sont plus solides, différents de ceux qu'on trouve ailleurs dans la ville.
Le prix aussi. Le jus de fruit de base dans la boutique de base coute 10 BsF (bolivars fuertes), dans le centre c'est 5. Les repas, le menu ejecutivo (une soupe, un plat chaud, une boisson, le déjeuner du venezuelien moyen) c'est 50 BsF, contre 20 à 30 ailleurs.
Et tout est comme ça, comme une société parallèle, avec ses propres règles, ses propres prix, ses propres habitants. On peut vivre ici sans jamais voir une seule fois un barrio. c'est ici qu'atterrissent et restent les "journalistes" des agences de presse européennes.

Rien que la station de métro est différente, plus luxueuse. Les sortis de la station sont des noms de centre commerciaux, pas des rues. En sortant, on croise des affiches de la police du municipe (équivalent d'une maire d'arrondissement, Caracas est comme Paris avec un maire central et des mairies d'arrondissement) qui appellent les gens à dénoncer les crimes et actes de délinquance.
Les rues sont pleines de passants, mais plutôt désertes au niveau des restants, des gens qui sont là toute la journée.
A droite un Mac Donald, à gauche un burger king, plus loin un autre Mac do.
Une boutique pour avoir des vols pas cher pour la Colombie et l'Europe. ici on a les moyen et le temps pour voyager.
Les boutiques ne lésinent sur rien pour attirer le client, "el palacio del blummer" dispose d'une sono extérieure très puissante avec un type au micro qui fait des commentaires sur les allées et venues des personnes dans le magasin. c'est une boutique de lingerie.
Il y a des pubs partout, parfois immenses, plus large que la route du bruit, la musique surtout du reggeaton, pas de salsa par ici. ca consomme ça achète, les bolivars pleuvent. les gens passent repassent vivent à cent à l'heure. Je change de quartier décidé à retrouver le calme.


Passage sous un pont d'autoroute et j'entre dans le municipe Baruta, le quartier Las Mercedes. Là c'est un standing différent d'entrée de jeu. Plus propre, ce n'est plus "bien habillé" mais chic. On croise des voitures de luxe.
Je me ballade et première impression : c'est mort. Pas un chat, les rues désertes. Quelques balayeurs, quelques vigiles, mais rien. Deux trois poivrots, chavistes, les seuls avec qui j'aurais l'opportunité de discuter dans la rue.
Des vendeurs de bijoux, de jaccuzi, d'art japonais. Galeries d'art contemporain.
Les gens d'ici s'étonnent que les "pauvres" ne viennent pas se "cultiver".
J'entre dans le premier restaurant venu : pas de menu ejecutivo, seulement à la carte, le premier prix est à 70 bolivars. Il y en a quelques uns moins cher heureusement. Pas de bario adentro, pas de mercal ici. Supermarché privé, cliniques privées, vie privée.
On croise la rue Madrid, la California, l'avenue Mexico,on est comme dans un rêve, pas de ranchos, pas de bidonvilles à l'horizon. Rien pureté, et en plus avec les cocotiers. Caracas est très agréable finalement.
Je passe devant un grand bâtiment, imposant avec des écritures plutôt inhabituelle. Un énorme portail et un mur de 2,5 m de haut m'empêche de voir de l'autre côté, mais derrière émerge un bâtiment imposant avec de nombreux étages : l'ambassade de Chine.
On continue, on croise une petite affiche d'un candidat d'opposition.
Pas de graffitis, pas de vendeurs ambulants.


En repartant, je remarque un bâtiment à l'entrée du municipe que je n'avais pas vu jusqu'alors : Centro Venezolano Americano. Un air de Miami. Ici on n'est plus chez les anti chavistes, c'est l'opposition.
Les gens me dévisage étrangement. Je me ballade avec un T-shirt de solidarité avec le Honduras récolé lors d'une des manifs de ces dernières semaines, j'ai alors presque envie de l'enlever tellement il fait contraste dans le paysage. Finalement je m'en vais, retrouver un peu le 23 de Enero, un quartier populaire, populeux, dangereux, où certains me saluent désormais dans la rue.

dimanche 13 décembre 2009

Antichavisme : témoignages

Autan vous le dire, cela fait un bout de temps que j'ai envie d'écrire ce billet, mais que j'ai remis la chose à plus tard, tellement le sujet est sensible.

D'une part parce que ce faisant j'ose parler (selon "certaines sources") de plus de la majorité des vénézueliens. D'autre part parce que ceux dont je vais discourir sont socialement beaucoup plus proche de ma condition que tous ceux que j'ai rencontré jusqu'alors.

Je vais donc vous entretenir des anti-chavistes.

A ne pas confondre avec l'opposition, l'oligarchie, composée des groupes de médias privés d'une classe d'affaire et financière et d'une haute bourgeoisie avec également dans le tas quelques propriétaires terriens. Ceux là c'est un cas à part.

Ici je vais bien vous parler des anti chavistes. Ou si vous préférez de la classe moyenne. Et plutôt que tenter des généralités douteuses (ça viendra après), je vais plutôt vous retranscrire quelques conversations avec des anti-chavistes.


Je rencontrais ma première anti-chaviste au Venezuela paradoxalement dans un quartier populaire, à Catia, lors de l'élection (et de la naissance) d'un nouveau conseil communal. Alors que j'interrogeais les habitants sur les détails de fonctionnement pratique de ces conseils, une femme, la cinquantaine, est venu m'entretenir de ses problèmes, du gouvernement qui en fait rien pour elle, dans ce pays dictatorial, sans liberté d'expression où personne en fait rien pur elle et où rien de change. Je l'écoute au début, mais rapidement je sens que son discours perd une large partie de rationalité. Elle s'exprime de plus en plus rageusement, postillonnant, presque la bave aux lèvres. A la fin de son discours devenu un délire général elle nous expliquera que les médecins cubains sont des incapables et "percent les yeux des enfants qu'ils soignent", (mission Milagro : soin gratuits des yeux) et qu'ils "injectent le communisme dans les veines en faisant les piqûres" (Mission Barrio Adentro : médecins gratuits dans les quartiers pauvres) Ou encore que "Chavez nous dira bientôt ce que l'on doit manger", (mission mercal : aliments de premières nécessité à bas prix). J'ai soudain peur, serais-je manipulé moi aussi par la conspiration communiste mondiale ? Je m'entretiens avec un voisin qui m'explique que son fils à été opéré d'une fracture par des médecins de la mission très correctement, et totalement gratuitement. Et cette femme ? "Elle regarde juste un peu trop la télévision et vit dans un autre monde" Ouf, sauvé.

Autre rencontre, autre lieu, chez une amie dans les quartiers de l'Est de Caracas. Si représentatifs de ceux qui y vivent, rues vides, sans activités, sans musique, sans groupes de gens vaquant à leur occupation à l'extérieur, encore plus déserts la nuit, grands immeubles, banques, compagnies d'assurances. On est riche ici, au sens où l'ion est en tout cas (du moins en apparence) moins pauvres que cette masse informe de miséreux qui s'entassent dans les barrios sur les flancs des collines.

Soirée donc où je rencontre des professeurs du Colegio de Francia (lycée français). lycée où en plus de la sélection par l'argent, on sépare les "autochtones" des "expatriés" dans deux classes distinctes, des fois qu'ils pourraient sympathiser. J'ai eu une très très courte discussion avec des professeurs y travaillant d'où j'extraie de son contexte cette phrase : "de toute façon, le pays cours à la faillite, il n'y a plus aucune place pour les vrais entrepreneurs, l'économie est totalement sous contrôle de l'Etat (à 20% en vérité), l'inflation n'a jamais été aussi importante (en tout cas toujours inférieure à celle du gouvernement précédent) ça va s'écrouler comme l'URSS (qui n'a pas chuté pour cette raison)." J'ai arrêté là devant la suite d'âneries proférés en une minute. Dans la soirée on croisera également quelqu'un travaillant pour PDVSA (Pétrole du Venezuela, entreprise publique) et un autre pour la compagnie Total.
On est resté avec les autres amis, pas vraiment anti chavistes, et on est allé en discothèque, dans les quartiers riches, toujours.

Image irréelle, de la jeunesse plus ou moins dorée, se dandinant sur de la musique de jeunes (reggeaton, R&B, techno) avec seule affront à cette libération de l'oppression chaviste extérieure : un panonceau du ministère de la santé : "fumer provoque des cancers. L'abus d'alcool est dangereux pour la santé". Le chavisme s'affiche décidément partout. Un des jeunes dansant me souffle à ce propos : "tu vois, c'est ça l'oppression. contrôler le moindre de nos faits et geste, on est plus libre": Bon Dieu si c'est ca l'oppression, en Franc en doit être dans un État quasi totalitaire ! Détail amusant, malgré que l'on soit en boite et que la musique soit plutôt assourdissante, il y a toujours un groupe de gens qui battent le rythme avec des claves et des percussions, toute la soirée.


Encore une autre encontre, moins caricaturale à l'origine, acceptant par exemple d'entendre qu'il existe encore des gens (et plutôt une majorité de fait) qui soutiennent le gouvernement dans ce pays, essentiellement dans les quartiers populaires. C'est cette fois avec des membres du réseau couchsurfing, un réseau de jeunes qui t'offrent pendant tes voyages à travers le monde gratuitement une place sur leur canapé pour une ou plusieurs nuits. Concept sympa, très djeun's donc que je n'avais encore jamais utilisé. On prend un pot histoire de faire connaissance, au détour d'un café, le Cordon Bleu (ça ne s'invente pas) près de Plaza Venezuela, zone limite entre quartiers Est et centre.
Et bien évidemment on en vient à discuter de politique. Face à mois un vénézuelien de classe moyenne qui travaille dans les quartier pauvre des banlieues péri-urbaines de Caracas et un allemand travaillant à l'institut Goethe, ici depuis plus d'un an. Je leur parle de mon expérience dans les barrios avec Vive.

Après m'avoir écouté, ils me répondent comme j'en suis bien conscient : "mais tu sais que ce n'est pas ça le Venezuela". Je rétorque "Oui, ce n'est pas QUE ça". Petit sourire de leur part.

Ils m'entretiennent alors des prisonniers politiques au Venezuela.
Sujet hautement délicat s'il en est dont j'ai commencé à m'indigner depuis quelques temps, en bon occidental défenseur des droits de l'homme (et des femmes, des indigènes, des pauvres ...). En bon propagandiste, je leur rétorque que sur 40 prisonniers politiques recensés par l'ONG américaine Venezuela Awarness déclarés comme emprisonnés illégalement :
  • Environ un tiers sont des prisonniers ayant été jugés pour homicide pendant le coup d'Etat de 2002 (et non pas pour participation au coup d'Etat, ceux là n'ont jamais été condamnés, mais dont beaucoup ont de leur propre gré fui le pays par peur des représailles)
  • Une autre partie est constitué de délinquants économiques, corruption, détournements de fonds, dont se trouvent des ex-chavistes.
  • Enfin il reste quelques cas qui seraient peut être prisonniers politiques mais au vue des dossier qui m'apparaissent plutôt comme des erreurs judiciaires. Je tente de trouver des infos plus précises actuellement la question. Je leur ajouteque sur la situation générale des droits de l'homme dans le pays, je ne peux rien dire ne connaissant pas le sujet. Mes deux amis rient. "Oui ça c'est que dit la propagande. D'ailleurs tu nies les atteintes aux libertés tu viens de le dire". Mouvement de recul de ma part.

Ils changent de sujet et m'entretiennent de la situation économique "désastreuse, il n'y a pas besoin d'être un expert pour savoir que le développement du pays va mal". je ne dis rien même si je pense tout bas qu'il y a une crise mondiale et une chute des cours du pétrole qui peut avoir un certain impact.
Je leur répond "développement économique ou social ?"
-Les deux bien sûr"
Et le je sors mon arme ultime, pour défendre ce désastreux régime au bord du chaos : un chiffre de l'ONU. "l'IDH du Venezuela qui se situe un peu en dessous du Mexique et supérieur à la Russie ou au Brésil et à la Colombie"
Problème : mon interlocuteur ne sait pas ce qu'est l'Indicateur de Développement Humain. Malgré mon étonnement (on m'en avait déjà parlé plusieurs fois dans des quartiers pauvres) je lui explique. Pas convaincu.

J'enfonce le clou dans un exercice d'endoctrinement digne des plus grands staliniens (les maitres de la manipulation des chiffres) : "au niveau de l'éducation, on peut pas contester des progrès. En 2005, l'UNESCO a déclaré le Venezuela territoire libre d'analphabétisme, et c'est le pays d'Amérique Latine aujourd'hui avec un des plus forts taux de scolarisation."
"Mais ce sont les chiffres du gouvernement !"
"non, c'est l'organisation des Nations Unies".
"Je ne peux pas le croire"

Un dernier témoignage pour la route ?
Peut-être le seul que j'ai pu entendre réellement car le seul lucide.
Une autre fête, à l'ateneo popular cette fois. Une jeune fille engage la conversation avec moi et on en vient (la politique est le sujet de conversation numéro 1) à parler rapidement de nos opinions sur le pays. Avec un certains malaise visible sur son visage elle me dira ceci : "Ecoute, tu vois, d'un côté je sais bien ce que fait Chavez pour les pauvres, que je ne suis pas, donc je ne peux pas le voir directement mais ça existe. Mais mon père était propriétaire d'une petite entreprise d'emballage de nourriture, pour l'exportation. Il s'est fait exproprier au nom de la souveraineté alimentaire. Et toute ma famille est comme ça anti chaviste, Sauf un cousin, franchement révolutionnaire, avec qui toute la famille a rompu tout contact. Je peux pas me le permettre, c'est ma famille tu comprends, je ne veux pas que ça se reproduise avec moi. Même si je le voulais, et je ne le veux pas, je ne pourrais pas être chaviste."

C'est un des rares propos qui ne m'est pas paru totalement caricatural. Un peu de sincérité parfois fait du bien, même dans la bouche de ses adversaires politiques. Et avec qui on peut tout à fait partager une bonne bière et (tenter de) danser la salsa, les deux n'étant nullement incompatibles.

La Gaviota (4) : le lendemain chante-t-il ?

La musique s'arrête. Pas brutalement, la descente s'est faite en douceur avec quelques autres chansons, les gens partent progressivement.

Un petit vieux m'accoste et me parle des héros du Venezuela. Je lui confie mon ignorance crasse de l'histoire des figures historiques du pays. Il s'en va, me dit de l'attendre. Dix minutes plus tard le voila revenu chargé de bouquins, portant sur les héros du pays et de l'Amérique Latine. il me les offre.

Nus nous dirigeons vers l'infirmerie de l'usine où nous posons nos affaires et nous endormons sous l'oeil des affiches du gouvernement,

Réveil à 6h du matin. Difficile. Pas la gueule de bois (pas d'alcool) mais presque. Sueur, poussière, on est pas super propre et on ne sent pas forcément le jasmin.On cherche le gardien pour qu'il nous ouvre les portes.
Celui-ci nous propose de visiter l'usine. Nous acceptons.

Effet de la veille ou de la fatigue, toujours est il que j'ai immédiatement été pris d'une envie de photographier chacun des détails de l'usine et de ses machines. la tête embrumée, tentant de cadrer et d'avoir des photos nettes, je me fais la réflexion qu'avant de venir au Venezuela, je n'avais jamais regardé une usine ni ne m'étais intéressé à son fonctionnement, son histoire, la vie des gens à l'intérieur. On est le révolutionnaire qu'on peut..


Le gardien travaille aussi et les gardes de nuit se font à tour de rôle. Il nous explique chaque phase de la production : arrivée des poissons, découpe, cuisson, préparation des condiments, pose des couvercles, expédition.


Il nous raconte aussi tout ce qu'ils ont gagné : médecine du travail, infirmerie, ticket restaurants, augmentation des salaires, diminution de la pénibilité, mais surtout, faisant écho une phrase que j'ai déjà entendu à plusieurs reprises :

"nous avons retrouvé notre dignité".


Il est l'heure de partir, retrouver les bouchons, la ville, l'agitation et la pollution. Le "processus" et le quotidien révolutionnaires ou pas. Cet ouvrier me dira alors cette phrase, la dernière qui me reste de la Gaviota :

"Tant que nous serons là, tant qu'il y aura ne serait-ce qu'une Gaviota dans ce pays, existera la Révolution".

Nous nous disons au revoir. On passe la porte.
Et nous partons.


Epilogue :

Sur la route nous avons faim, nous payons à nouveau cher pour une petite empana. Notre chauffeur s'arrête à cinq reprises pour charger des denrées, bananes plantin, mandarines, gateaux tradtionnels, lard séché (!!!), essence aussi.
0.10 Bolivars le litre. 2 centimes d'euros. 90 centimes pour 30 litre.
On prend une bouteille d'eau de 33 cl : 7 BsF, 2 euros.
Paradoxe des contradictions.

On croise en traversant Portuguesa un panneau publicitaire immense pour une bière avec dessus une nana quasiment à poil. La question féminine n'est pas encore tout à fait résolue, elle non plus.


Que restera-t-il de cette escapade à la Gaviota ?

Est-ce une autre de ces exceptions ne confirmant pas la règle comme j'en ai déjà vu d'autres en ce pays ?

Et quand bien même, est-ce qu'un pays qui peut, grâce à des changements politiques arriver à créer ce genre d'évènement, est-il vraiment foutu, pétris de contradictions, s'autodétruisant de jour en jour ?

Certains disent que tout société totalitaire est vouée à s'effondrer dès lors qu'une personne arrive à porter une voix dissidente en son sein. N'est pas l'apanage de processus révolutionnaire d'exister à partir du moment où en un lieu donné une personne y croit et la met en pratique ?


Je ne vois bien que ce que je veux voir de ce pays, j'en suis conscient,
mais le peu que je ne me cache pas existe lui aussi, il serait fâcheux de l'oublier,
un rêve une utopie, un processus, une révolution, une raison de vivre ?

Bien des choses que je ne sache pas.
Et c'est tant mieux car c'est la seule raison qui me (et nous) permette d'espérer.

samedi 12 décembre 2009

La Gaviota (3) : instant socialiste

Et puis donc vinrent les jeunes, un groupe de Caracas, que j'avais déjà croisé au 23 de Enero lors du concert pour le référendum.

On sent a ce moment dans la foule comme un souffle, les gens commencent à danser plus massivement. Les percussionnistes sont déchainés, deux, trois temps, quatre temps, ils changent selon le morceau et s'adaptent à la musique.

Vient un autre jeune, qui reprend de manière très rythmée les grands succès d'Ali Primera avec la foule debout qui chante et danse. J'apprendrais plus tard qu'il s'agit du fils du chanteur populaire.

Et puis viendra la conclusion, où sur scène ils se retrouveront tous, tous ceux qui ont participé au festival.
Les jeunes sur le devant de la scène,
Les petits encore devant
et tout les autres là où il reste de la place, derrière, sur les côtés, dans le public.

Ils entament la chanson du groupe "La Cantera" : Libertad, la luna en mi pensamiento.

La chanson commence doucement,
soudain je vois un ouvrier, le sourire jusqu'aux oreilles, courant précipitamment à l'intérieur de l'usine et en ressortant avec un but de tissu coloré.
Puis une ouvrière accroche à un ballon de baudruche un drapeau rouge qu'elle brandit.

Le bout de tissu coloré est un drapeau, le drapeau du Venezuela, l'ouvrier juché sur une chaise le tend au dessus de la scène. Il projette son ombre sur le mur blanc de l'usine.

Et puis. et puis,




Il y aura cet instant de pure synchronie, de parfaite cohésion. Tout le public monde chantant, dansant, assis ou debout, peu importe, toute la scène répétant ces mots "libertad, libertad, libertad, la luna en mi pensamiento", (liberté, la lune dans mes pensées). La lumière des projecteurs se reflète au travers du drapeau vénézuelien tendu au dessus de tous, et au fond cette image de la gaviota, la mouette, volant au devant d'un coucher de soleil en forme d'étoile. L'image est surréaliste.

Personne n'a eu besoin de crier patria socialismo o muerte, venceremos", le slogan des chavistes.
Il n'y avait pas de caméra, pas de journalistes, seulement des homme et des femmes. Pa de manipulation ni de propagande, un simple évènement collectif.

Ca n'a pas duré certes, mais,

Au milieu de tous ces chavistes, les critiques, les contradictions, les oppositions, la propagande, quittaient les pensées. Il n'y avait qu'une mystique commune, un sentiment d'unité si fort, celui qui fait croire qu'on peut déplacer les montagnes et qui donne envie de sourire aux autres, de serrer son voisin dans ses bras et de chanter et danser ensemble de rire et de croire que tout est réellement possible sur cette terre


Si futile, si irréel,
si enfantin et naïf
mais, au moins pour moi
c'était là.


l'espace d'un peu plus d'une minute, j'ai vécu un instant de socialisme.
Et la seule chose que je peux désormais espérer c'est que ça ne soit pas le dernier...

La Gaviota (2) : autogestion et festival culturel


Mais où sommes nous donc me direz vous ?


La Gaviota est une fabrique de conserves de sardines et de fruits de mer. Une usine qui emploie 330 ouvriers, majoritairement des femmes, qui distribue les sardines en conserve dans le pays.
Il y a 6 mois ces travailleurs ont commencé une lutte pour obtenir la nationalisation de l'entreprise. Condition de travail difficile, faibles salaires, exploitation des gérants. Les ouvriers effectuait alors les deux 12, en non pas les trois 8, en étant payé la moitié des (au minimum) 58 heures de travail hebdomadaires.Comme chaque fois dans ce cas, le gouvernement a pris une mesure d'occupation temporaire afin de mesurer la viabilité de l'entreprise et si elle est d'importance à l'économie nationale, dans le cadre d'un programme de souveraineté alimentaire.


Après quelques mois de lutte, le gouvernement a accepté rapidement la nationalisation.

Ce 5 décembre 2009 est la date où l'usine est officiellement nationalisée.

Mais pas dans n'importe quelle condition car comme nous l'explique un des ouvrier, l'usine est totalement gérée par les ouvriers. Il n'y a pas de patron, un simple comité de coordination. ils sont arrivés à s'organiser pour les commandes, les contrats, les ventes. Les pêcheurs du coin livrent la matière première, les travailleurs font leur travailleur de mise en conserve et les produits sont exportés sur les marchés locaux, mais également dans tout le pays via les réseaux de distribution à bas prix Mercal et Pdval.
Dans cette organisation, ils ont réussi en diminuant la production de 50% pour retrouver un niveau de pénibilité du travail acceptable, en réorganisant la structure avec des salaires garantis pour tous et non plus au fonction du rendement, avec tout cela, ils ont encore un bénéfice record et peuvent s'octroyer à tous un salaire de 2500 BsF mensuel, presque le triple de leur salaire antérieur.

Nous sommes donc dans une usine nationalisée ET autogérée.

Alors, pour fêter cet évènement exceptionnel, les ouvriers et les communautés de Cumana ont organisé un festival intitulé : "la Gaviota a fait le saut vers le socialisme"


Comme dit précédemment, l'usine accueille la salle de bataille socle et les ouvriers sont aussi investits dans la vie de quartier, dans le PSUV et des les luttes sociales extérieures.

On se réveille sous le coup de 16h. Beaucoup de monde est arrivé. On voit défiler les camionettes et descendre les groupes de musique et de danseurs.

Programmé à13h, le spectacle commence à 16h30.

La musique commence.

Un groupe de danseuses folkloriques de musique traditionnelle vénézuelienne nous fait une démonstration de robes de couleurs et de mouvements pleins d'allégresse.
Vient ensuite sur scène une chanteuse locale, apparemment très connue ici, qui dans un sanglot d'émotion déclame un chant composé à la gloire des travailleurs de la Gaviota.


Puis vienne le tour des jeunes de l'école de danse de Cumana. Devant nous une démonstration de sensualité, de rapidité et de maitrise ..

... Le joropo, danse traditionnelle des llanos, les plaine du centre, une danse majestueuse, avec les tenues qui vont avec.


Puis c'est le tour d'une groupe de la gaïta, chant traditionnel de noël, venu de Maracaibo, dans l'Ouest, devenu culture nationale, sauf qu'ici il n'y a que des femmes qui chantent et elles parlent de socialisme et de la Gaviota.


Peu après vienne un autre groupe de danse, cette fois des enfants, qui procèdent aux aussi un joropo endiablé, au milieu d'une coupure d'électricité du secteur.


Entre chacune des chansons, les organisateurs remettront un titre de reconnaissance aux groupes. Les pauses et les installations de chacun des musiciens laisseront un laps de temps disponible pour des lectures, déclarations ou poèmes en tous genres. Il y en aura à la fin de chaque chanson.

Je me souviendrais longtemps de ce musicien, ouvrier de la Gaviota, timide et tremblant, amené sur le devant de la scène guidé par la main, prenant le micro et déclamant un poème de sa composition, qui fit l'effet d'un soufflet qui s'abat sur nous et nous laisse cois d'admiration.

Il y a aussi cet autre ouvrier qui au moment de débuté une chanson, prendra soudainement le micro et déclarera la Gaviota "base de Paz, base de paix contre l'impérialisme yankee dans Notre Amérique".
Je discute avec mon voisin, lui parle du 23 de Enero, il connait, évidemment.

Viendront ensuite des mariachis (chanson traditionnelle mexicaine) vénézueliens, avec leur chanteur complètement ivre qui tentera en vain de nous convertir à une secte protestante évangéliste, tout en chantant horriblement faux. Moment de fou rire collectif mémorable.


Et puis viennent des groupes de jeunes, de Caracas, du reggea, du rock, on change de ton.
Lorsque ... (à suivre)

jeudi 10 décembre 2009

La Gaviota (1) : sur la route de Cumanà

A l'origine, une nouvelle lubie de notre camarade de Vive, nous faire voir du pays.

Et le voici qu'il nous parle d'une entreprise nommée La Gaviota qui va être nationalisée officiellement le jour même et que ce serait bien qu'on y aille, admettons.

Nous, c'est le camarade toulousain Maxime Vivas (écrivain, auteur notamment de la Face Cachée de Reporters sans Frontières) et moi même.

Il est donc 6h du matin quand nous quittons Caracas pour Cumana, dans l'Etat de Sucre, à 8h de route (en comptant les heures de bouchons).

Voyage cahoteux avec des nids de poule en plein milieu des "autoroutes", si gros qu'on parlerais plutôt de nids d'autruches, mais pas chaotique pour autant. Quelques arrêts dans les panaderias (boulangeries) pour touriste, à vous faire regretter les mêmes des quartiers chics de la capitale pourtant déjà excessivement chers.

Nous traversons l'Etat de Miranda, descendant les collines vers les plaines verdoyantes. Puis la forêt touffue, ou jungle, ou ne sais plus, avec les vendeurs de fruits, bananes, fruits de la passions, mandarines, ...

Voici un péage, le seul, nous payons quelques centimes. On croise des postes de péages sur toutes les routes au Venezuela mais il est rare que ceux-ci servent encore à leur usage premier. les routes du Venezuela appartiennent elles aussi au domaine public.

Nous voici dans l'Etat Azoantegui, avec ses grandes plaines entre plaines semi-désertiques, faisant penser au Mexique, avec les cactus au bord de la route, sous un climat chaud et sec.


Puis une lagune, bleue océan, calme, au bord de laquelle j'ai appris par une traduction du début de mon séjour qu'il s'y trouve une coopérative socialiste de pêche. Invisible à l'oeil de l'autoroute mais bien réelle

On roule, roule, et on passe devant les puits de pétrole, le cœur de la richesse de cette nation. Cette richesse qui est aussi source de beaucoup de problèmes, comme un cadeau empoissonné. Rien n'est possible sans, mais on ne put rien faire tant qu'il est là. cette richesse qui appauvrit. Encore un paradoxe. pas des moindres.

On traverse les villes, on arrive à Barcelona, eh oui ici aussi, et on reprend l'autoroute.

Puis voici Puerto la Cruz, à la limite avec l'Etat Sucre, une ville clairement touristique et nous commençons à grimper les montagnes pour suivre la route du bord de mer et redescendre vers notre destination, avec tout le long vue sur la mer, la côte, les plages, qu'on dit ici encore plus paradisiaques qu'à Choroni.


Enfin, nous finissons notre périple et derrière les collines on arrive à Cumanà, une cité balnéaire, hôtels, plages, vendeurs, tout pour les touristes. Sauf que ce n'est pas précisément le motif de notre visite.


En bon gauchistes, nous sommes une fois de plus là pour suivre le processus révolutionnaire à partir de la base (révolutionnaire). Et évidemment, nous nous concentrons dans les lieux où ça marche afin de généreusement collaborer à la (honteuse) propagande chaviste.

Nous arrivons sur place sur les coup de 14h. On passe le portail et nous entrons.

Un immense espace s'offre à nous, avec devant une grande usine, plutôt sobre, même austère, s'il n'y avait devant tout un petit monde s'affairant à monter une scène de spectacle, et ces gens discutant tranquillement sur les chaises installées devant la scène.


Au dessus de la scène, cette photo, si explicite, et pourtant ce n'est que plus tard que nous comprendrons un peu mieux de quoi il s'agit vraiment. "La Gaviota alzó el vuelo al socialismo"


Je retrouve Rafael, notre contact, que j'avais rencontré Fama de America quand ces ouvriers étaient venus jouer pour ces autres travailleurs en lutte une pièce de théâtre sur leur combat. Embrassades chaleureuses, présentation de tout le petit monde. Il y a là des ouvriers et ouvrières, des militants sociaux, des membres du conseil communal, des représentant des fonds d'aide du gouvernement.

Devant nous la scène, derrière nous et plus loin dans la place, un bâtiment plus petit avec des groupes s'affairant devant. On se rapproche.


On se trouve face à la Salle de Bataille Sociale "Subversion Caribe", un lieu où peuvent se rassembler les conseils communaux, les commissions, les lutteurs sociaux.

Devant, une sono crache à plein poumon la voix d'Ali Primera et ses chants populaires et révolutionnaires.
On entre dans les lieux et on nous dirige vers les cuisine où les ouvrières et les ouvriers de l'usine préparent la hallaca, le plat de noël au Venezuela, et nous en offre une immédiatement, que nous dégustons avec saveur.


Étant passablement épuisés, Rafael nous désigne en souriant des matelas stockés dans un coin et nous nous écroulons dans une sieste réconfortante.

(to be continuar)

lundi 7 décembre 2009

Moment privilégié

On est à Maracay

Cinquième jour de stage à Teletambores,

On a alors quasiment terminé le montage de notre projet documentaire pour Alba TV qui présente cette télé communautaire.

Pour fêter ça, au soir, celui qui nous accueille nous invite à faire une petite soirée en petit comité.

Il est 21h environ, quand nous nous asseyons dans la cour intérieure des locaux de la télé. Une nuit chaude, claire, au loin quelques bruits mais plutôt calme.

Notre ami procède aux branchements son et vidéo, on s'assoie juste à côté d'une des salles de réunion dans laquelle se trouve un projecteur vidéo et une chaine Hi fi.

Puis notre ami va chercher le petit plus qui fera tout le charme de cette soirée. Une bouteille de rhum, français, du Chemineaud.

Les filles nous accompagnant jusque là décident rapidement d'aller se coucher, fatiguée par plusieurs journées de travail.

On reste à trois, avec le frère du gars de la chaine.

Notre ami allume la chaine, le projecteur sort le petit gobelets. Première lampée. goûtues.

La musique commence : Pink Floyd, Eagles, Deap purple, Beatles

Tous les grands standards du rock américain dont notre ami est très amateur.


Et puis on parle. De tout de rien, de la vie.

Il nous raconte des petits bouts de la sienne.

Il a 19 ans, en février 1989, il voit et vit le Caracazo, cette émeute populaire dont la répression fit plus de 3000 morts. Premier pas en politique. Il voit qu'au delà de la répression qui s'intensifie chaque heure toujours plus, on commence à se réunir à s'organiser collectivement dans les barrios, à Maracay comme à Caracas. Mais l'émeute s'essouffle devant la répression.


20 ans, 1990. Il s'engage au groupe guérilléro Bandera Roja. Groupe clandestin, mais présent dans tous les quartiers populaires des villes du pays. Il suit la formation militaire et politique, obtient des responsabilité et monte dans la hiérarchie sans avoir rien demandé à personne et devient coordinateur pour son barrio.

Il y a 22 ans en 1992. Les rumeurs monte, un gros coup se prépare, une partie de l'Armée Nationale, un groupe dissident, populaire et organisé va tenter une action de renversement de la bourgeoisie au pouvoir. Bandera Roja participe. La date es plus ou moins connue, toujours clandestinement.


4 février 1992. Nous y sommes. Un bataillon de militaires menés par un gradé se soulève à Maracay et va marcher sur Caracas et prendre le pouvoir. Notre ami tient son rôle, prêt à combattre si le besoin s'en fait sentir et tient son quartier. Mais c'est un échec. La direction de bandera Roja trahit et abandonne la tentative contre des postes au pouvoir. Et contrairement à ce qui avait été cru, le peuple ne se soulève pas en soutien. Chavez est emprisonné.


1992 toujours. En novembre, nouvelle tentative du groupe, sans la direction, cette fois la population soutien plus largement, mais la police déjoue la tentative. Les camarades de notre ami sont emprisonnés. celui qu'on verra à Choroni enfiler les bières a été torturé à cette époque là. Notre ami, lui s'en est sorti, a échappé à la répression, il est alors clandestin dans son pays

1993 : amnistie. Le président Caldera décide pour apaiser les tensions sociales d'amnistier les participants au coup de 1992, dont il en veut pas faire des martyrs. Notre ami retourne à la vie au grand jour après quelques mois de vie cachée. Il abandonne Bandera Roja et commence à suivre ce jeune colonel qui avait assumé toute la responsabilité dans l'échec du putsch. qui lance une campagne populaire et sillonne le pays avec un programme novateur. L'appui est grand, de plus en plus large.


1998 : élections. 53% pour Hugo Rafael Chavez Frias. La joie, l'allégresse. La victoire. Mais pas le début du processus révolutionnaire, sa concrétisation institutionnelle.



2002 : coup d'Etat de l'opposition. Malgré la désinformation, les coupures des télés, des ondes de téléphones portable, l'info passe en un laps de temps extrêmement rapide dans tout le pays. La fille de Chavez a transmis l'info : le président n'a pas renoncé. De Maracay a nouveau, dans la caserne voisine, un groupe de militaire part pour Caracas pour tenter de reprendre le palais présidentiel. Notre ami quitte sa femme, retrouve les anciens camarades, qui sont en train de s'armer, de se préparer à aller au combat pour récupérer leur président. 48 heures de sueur, de larmes et au final l'allégresse. Chavez est restitué au pouvoir.


La bouteille se vide lentement à coup de lampées brèves mais intenses.

Il est minuit. On écoute toujours la musique, on est passé aux chants révolutionnaires.


Notre ami nous raconte cette petite anecdote : “j'étais alors à Cuba, pour une rencontre internationale des médias alternatifs. Je me ballade sur une place de la Havane. Et là une statue : John Lennon. Avec cette plaque : inauguré par le Commandant Fidel Castro.”



On parle lutte armée, impérialisme, révolution, rock, humanisme, conseil communal, socialisme.



Je suis face à un des responsables pour le Venezuela du réseau international Alba TV. Notre ami en fait, celui qui nous accueille ici avec toute la chaleur humaine que peut donner un vénézuelien à des gens qu'il estime.



On est au Venezuela, à Maracay, à boire du rhum français en écoutant du rock américain et on est bien.


Juste bien.