dimanche 13 décembre 2009

La Gaviota (4) : le lendemain chante-t-il ?

La musique s'arrête. Pas brutalement, la descente s'est faite en douceur avec quelques autres chansons, les gens partent progressivement.

Un petit vieux m'accoste et me parle des héros du Venezuela. Je lui confie mon ignorance crasse de l'histoire des figures historiques du pays. Il s'en va, me dit de l'attendre. Dix minutes plus tard le voila revenu chargé de bouquins, portant sur les héros du pays et de l'Amérique Latine. il me les offre.

Nus nous dirigeons vers l'infirmerie de l'usine où nous posons nos affaires et nous endormons sous l'oeil des affiches du gouvernement,

Réveil à 6h du matin. Difficile. Pas la gueule de bois (pas d'alcool) mais presque. Sueur, poussière, on est pas super propre et on ne sent pas forcément le jasmin.On cherche le gardien pour qu'il nous ouvre les portes.
Celui-ci nous propose de visiter l'usine. Nous acceptons.

Effet de la veille ou de la fatigue, toujours est il que j'ai immédiatement été pris d'une envie de photographier chacun des détails de l'usine et de ses machines. la tête embrumée, tentant de cadrer et d'avoir des photos nettes, je me fais la réflexion qu'avant de venir au Venezuela, je n'avais jamais regardé une usine ni ne m'étais intéressé à son fonctionnement, son histoire, la vie des gens à l'intérieur. On est le révolutionnaire qu'on peut..


Le gardien travaille aussi et les gardes de nuit se font à tour de rôle. Il nous explique chaque phase de la production : arrivée des poissons, découpe, cuisson, préparation des condiments, pose des couvercles, expédition.


Il nous raconte aussi tout ce qu'ils ont gagné : médecine du travail, infirmerie, ticket restaurants, augmentation des salaires, diminution de la pénibilité, mais surtout, faisant écho une phrase que j'ai déjà entendu à plusieurs reprises :

"nous avons retrouvé notre dignité".


Il est l'heure de partir, retrouver les bouchons, la ville, l'agitation et la pollution. Le "processus" et le quotidien révolutionnaires ou pas. Cet ouvrier me dira alors cette phrase, la dernière qui me reste de la Gaviota :

"Tant que nous serons là, tant qu'il y aura ne serait-ce qu'une Gaviota dans ce pays, existera la Révolution".

Nous nous disons au revoir. On passe la porte.
Et nous partons.


Epilogue :

Sur la route nous avons faim, nous payons à nouveau cher pour une petite empana. Notre chauffeur s'arrête à cinq reprises pour charger des denrées, bananes plantin, mandarines, gateaux tradtionnels, lard séché (!!!), essence aussi.
0.10 Bolivars le litre. 2 centimes d'euros. 90 centimes pour 30 litre.
On prend une bouteille d'eau de 33 cl : 7 BsF, 2 euros.
Paradoxe des contradictions.

On croise en traversant Portuguesa un panneau publicitaire immense pour une bière avec dessus une nana quasiment à poil. La question féminine n'est pas encore tout à fait résolue, elle non plus.


Que restera-t-il de cette escapade à la Gaviota ?

Est-ce une autre de ces exceptions ne confirmant pas la règle comme j'en ai déjà vu d'autres en ce pays ?

Et quand bien même, est-ce qu'un pays qui peut, grâce à des changements politiques arriver à créer ce genre d'évènement, est-il vraiment foutu, pétris de contradictions, s'autodétruisant de jour en jour ?

Certains disent que tout société totalitaire est vouée à s'effondrer dès lors qu'une personne arrive à porter une voix dissidente en son sein. N'est pas l'apanage de processus révolutionnaire d'exister à partir du moment où en un lieu donné une personne y croit et la met en pratique ?


Je ne vois bien que ce que je veux voir de ce pays, j'en suis conscient,
mais le peu que je ne me cache pas existe lui aussi, il serait fâcheux de l'oublier,
un rêve une utopie, un processus, une révolution, une raison de vivre ?

Bien des choses que je ne sache pas.
Et c'est tant mieux car c'est la seule raison qui me (et nous) permette d'espérer.

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