lundi 11 janvier 2010

De la militarisation du régime


Cet article est polémique et me place dans une position peu confortable.
Cet article peut alimenter le discours anti chaviste, car il fournit des arguments à ceux qui cmbattent le processus vénézuelien. 


N'étant en rien anti-chaviste, (pas plus que chaviste au passage) je le publie néanmoins, en espérant que mes lecteurs auront suffisamment de recul pour ne pas projeter immédiatement leurs préconçus occidentaux sur ce qui va être dit.
Laissez de côté votre colonialisme intellectuel
. Et lisez jusqu'au bout, ou ne lisez pas du tout.
Il ne s'agit pas de justifier mais d'expliquer et de tenter de comprendre un contexte lointain pour des européens.
Et si vous voulez imaginer d'autres choses, libre à vous, mais ce ne sera dès lors que le fruit de votre imagination fertile.


Car malgré le panorama idyllique et propagandiste que je vous dresse depuis on arrivée,
il y a une chose qui est pour moi très dérangeante dans ce pays, soit :

la MILITARISATION DU RÉGIME (bouh!)


Et je me dois de vous conter la vérité.

Ou presque.

Alors donc le Venezuela se militarise.
Vu l'avez sans doute lu, entendu, vu, même des journalistes plutôt connaisseurs des réalités de terrain le disent, ce doit donc être vrai.

Je n'aime pas les militaires.
Education à la non-violence, ayant vécu à proximité du plateau du Larzac et de la lutte contre l'extension du camp militaire des années 70 ...
La dernière que j'ai vu des militaires ailleurs qu'au Venezuela, c'était à Strasbourg pour le contre-sommet de l'OTAN et ils n'avaient pas des intentions pacifistes.

http://blaaah.files.wordpress.com/2009/04/dsc_242200011.jpg


Le bruit de botte n'est donc pas un son qui m'est spécialement sympathique.

Existe a ce jour, au Venezuela comme partie des forces armées du Venezuela (fuerzas armadas venezolanas):
- L'Ejercito Nacional, soit l'Armée De Terre, armée de métier, qui a pour but de défendre le pays contre les menaces extérieures. Elle intervient principalement le long des frontières. Environ 120 000 personnes.

- La Garde Nationale Bolivarienne (anciennement Guardia Nacional) : autre composante des forces armées qui peut se voir attribuer des compétences civiles comme le maintien de l'ordre public, ou selon les compétences définies par la loi, des missions de police administrative mais également participe au développement du pays. Mais peut servir de support à l'Armée .Facilement reconnaissable à sa casquette rouge. effectifs : 36 000 personnes.

- La Garde d'Honneur Présidentielle, qui protège le président et le palais de Miraflores. On peut la différencier de la GNB de par les lettres GH inscrites sur sa casquette rouge.

- La Milice Nationale : composée d'une part de la réserve, soit des personnes ayant réalisées leur service militaire (volontaire et non obligatoire à ce jour) et d'autres part des milices civiles : Il s'agit de groupes civils qui ont suivi une formation militaire et sont prêts à défendre le pays en cas de nécessité. Il existe les milices populaires (dans les barrios) les milices ouvrières (dans les usines), les milices paysannes (dans els campagnes) et els milices de Femmes. ON estime actuellement son nombre à 600 000 hommes et femmes, l'objectf étant d'atteindre 1,2 millions.

- On doit ajouter à cela l'Armée de l'Air, la Marine Nationale ainsi qu'un corps de services secrets récemment renforcé.

Ils sont donc partout les militaires. On les croise dans la rue. On en croise à l'entrée du parking souterrain de Vive TV. Devant les ministères. Également dans les quartiers, accompagnant la mission Barrio Nuevo Tricolor pour construire des maisons.
Oui, il y a des militaires dans les rues, dans le métro, dans les café, dans les quartiers populaires, dans les usines  ...

Puisqu'il n'y a pas de police.
Ou quand il y en a une, elle est corrompue, au service des fortunés, que ce soit du flic de rue au haut gradé.
(Chose qui risque de changer avec la création de la Police Nationale Bolivarienne qui outre sa formation à l'ordre public, suit un cursus spécial portant sur ... le respect des droits de l'homme.)

En attendant ils sont indispensable pour assurer un semblant d'ordre public dans un pays où criminalité ne se limite pas à un vol de sac à main.

Comme je l'ai déjà expliqué dans un précédent article, (si les exceptions ne confirment plus la règle) il existe ici une doctrine, caractéristique du processus vénézuelien, que l'on appelle l'union civico-militaire.
Et pour la comprendre, il faut en référer avant tout à l'histoire du pays.

Le point de balancement entre la lutte sociale et la naissance d'une nouvelle espérance politique populaire dans ce pays a été le Caracazo, une émeute populaire le 27 février 1989, contre les privatisations et le gouvernement néolibéral, les pauvres ayant été poussés à la rue par la faim. Au delà de l'émeute sanglante (2000 à 3000 morts selon les sources), a pu être observé un élément fondamental :  certains militaires ont refusé de tirer sur la foule.

http://www.megaresistencia.com/megaresistencia/noticias/images/stories/caracazo-fidelvasquez.jpg

Issus des classes populaires, ces militaires ont formé au cours des années 80 des groupes militants internes à l'armée prenant l'appellation de ... bolivariens. Ils portent des valeurs de justice sociale ainsi que l'idée que les militaires ne peuvent être dissociés de la population.

En 1992, ce sont ces mêmes militaires bolivariens, avec à leur tête le colonel Hugo Chavez, qui tenteront un coup d'État contre l'oligarchie encore en place. Malgré l'échec, c'est là que nait l'admiration populaire pour Chavez, qui va oser assumer la responsabilité du coup, et lancer un nouvel espoir.

http://www.notitarde.com/portadas/ediciones/aniver/aniver2006/imgespe/30G/1992/CHAVEZ-GOLPE%204%20FEBRERO.jpg

En 1998, Chavez est élu président. Face à lui, une opposition et une administration largement hostiles. Mais les programmes sociaux ne doivent pas attendre. Qui va sur le terrain, planifier, construire les routes, aider les personnes en difficultés, organiser les constructions de logements ? Les militaires bien sûr, qui nouent ainsi des liens de plus en plus étroits avec le peuple.


http://www.venezueladeverdad.gob.ve/archivos/media/articulos/2009/08/guardia-nacional-bolivariana-celebra-72-aniversario-1.jpg
En avril 2002, c'est le coup d'État de l'opposition appuyé par les États Unis et par les médias privés. Ce coup sera mis en échec par la très large mobilisation de la population ... et une importante partie des personnes d'extraction populaires au sein de l'Armée, mais également des gardes bolivariens et de la garde d'honneur, restés fidèles à Chavez, qui reprendront le Palais présidentiel des mains des militaires putschistes.
A partir de là, du fait d'un travail interne et d'une prise de conscience collective, le secteur bolivarien va devenir majoritaire au sein de l'institution.

Au vu de tous ces éléments, vous devez bien comprendre que les militaires ont eu un rôle plus qu'essentiel dans le processus révolutionnaire actuel.

Au niveau de l'histoire même du pays, l'armée vénézuelienne n'a également que peu de choses à voir avec les armées occidentales. Ainsi que les héros de la cause du peuple ont été aussi des militaires.

http://www.seniorjadore.com/var/plain_site/storage/images/loisirs/genealogie/l_aventure_bolivarienne_de_madame_coquis/77303-3-fre-FR/l_aventure_bolivarienne_de_madame_coquis_large.jpg

Les seules guerres extérieures menées par l'armée vénézuelienne l'ont été contre les Espagnols, soit une guerre de libération nationale. Nous fêtons d'ailleurs cette année le bicentenaire de l'indépendance. Le général Simon Bolivar, commandant cette armée indépendantiste, portait déjà cette idée que l'armée et la population ne font qu'un.

Le projet « expansionniste » du même Bolivar de Grande Colombie n'a consisté qu'à libérer la moitié nord de l'Amérique Latine du colonialisme espagnol et de tenter d'unifier ces nations frères, c'est la seule intervention extra-territoriale jamais menée par le Venezuela. On est loin de la conquête impériale de notre Napoléon national. Ce dernier projet transnational échoua, du fait de trahisons et de luttes pour la succession.

Suivra quelques dizaines d'années plus tard une guerre fédérale, entre les armées de l'oligarchie souhaitant se maintenant au pouvoir après l'indépendance, et l'armée du général Ezequiel Zamora. L'armée de Zamora était constituée de paysans, de pauvres et d'esclaves libérés. Son mot d'ordre : "Terres et hommes libres. Que tremble l'oligarchie !".
On a fêté le 150 anniversaire de son assassinat ce week end.

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgUmj4nIQlslKVcT64TT5kflfroqwqc6Zj9B6PCTF1yWDzEFA3PDO215vouyzhZzeQVlR02KwdfWSd3ydbl5MkvzGgMOuXxTMlHYnFtHeNRp1__d8rKlT1c63hPTEISmCYLnrj5njyBeExf/s320/2_ezequielzamora+2.jpg

Après cette époque, l'armée a joué pendant des décennies son rôle classique de force répressive au service du pouvoir, en allant, par exemple, jusqu'à intervenir à l'intérieur de l'université centrale du Venezuela en 1969 (el allanamiento) pour mettre un terme à la contestation estudiantine, avec un effectif de 2000 soldats, auxquels s'ajoutaient quelques chars. L'Armée, comme la Police, étaient alors synonymes de répression, de peur et d'injustice.

http://ve.kalipedia.com/kalipediamedia/historia/media/200808/03/hisvenezuela/20080803klphishve_36_Ies_SCO.jpg


Mais le développement de la conscience "bolivarienne" dans les années 80 a peu à peu fait évoluer cette mentalité proprement militaire.
Actuellement, dans le prolongement des idées bolivariennes, l'Armée se forme .. intellectuellement. Cercles de discussion, lecture, alphabétisation, conscientisation politique, études supérieures et action de terrain avec la population, à la fois pour protéger et organiser les projets populaires ...

Alors quoi, serais-je devenu militariste ?
Amoureux de la « ration de topinambour et de la Ligne Maginot ? » comme le chantait (l'ex) chanteur populaire Renaud.
Pas pour un sou.
Il y a simplement une légère différence entre nos forces de répressions occidentales et las Fuerzas Armardas Venezolanas.

Et je crois que le fait que je puisse serrer la main du Garde Bolivarien de garde en allant le matin au boulot,
ou d'en croiser en pleine ville en train de discuter, rire, faire la bise aux passants, à des amis,
d'en voir acheter des clopes, téléphoner, manger le midi dans une panaderia, même d'en voir aux toilettes publiques,
et de voir des hommes mais également un nombre non négligeable de femmes,
se comporter comme n'importe quel "citoyen" ...

constituent suffisamment de preuves à mes yeux de cette différence.

Ça ne vous suffit pas comme explication ?

Très bien.

Alors passons à la deuxième partie de l'explication :


2 commentaires:

Cici a dit…

"Le colonel Hugo Chàvez"

Dans mes souvenirs il était justement lieutenant-colonel, mais bon, je peux me tromper...

Ca s'était pour le pinaillage.

Pour l'article lui même, honnêtement, dans la mesure ou j'ai lu celui sur la contre-attaque impériale avant, ben quand tu as parlé de service militaire volontaire...

Je me suis dit que je l'aurais peut-être fait pour entre dans ces milices.

Ne serait-ce que parce que quand tu risques de te chopper un sicario de l'oligarchie sur le coin de la gueule ça peut servir.

Mais aussi quelque part y'a une certaine notion d'autogestion là-dedans : tout le monde est capable de prendre son destin en main, tout le monde est capable de défendre ce choix.

La défense a toujours été légitime, là ou l'armée devient gênante c'est quand elle sert d'outil de conquête et que son utilisation et la prise de décision la concernant sont limités à une élite qui décide de fait de la vie de centaines de milliers de personnes en fonction de leurs seules ambitions.

Et puis créer une armée proche de l'Etat, du peuple, etc. Ca peut militariser le peuple si c'est mal fait, ou alors si c'est bien fait ça peut populariser l'armée !

Dans le sens que nul n'ait à écrire comme Neruda "une fois de plus les soldats du Chili avait trahis leur pays".

Et puis merde, des militaires qui ne sont jamais battus et qui n'ont pas versés le sang depuis le début du processus, où seulement en cas de légitime défense, c'est pas des militaires pour moi.

Pas plus que la Résistance, quoi.

Bref, j'avoues que malgré mon alergie naturelle à la violence et aux uniformes, suite à ta description du contexte vénézuelien je perçois encore moins cette militarisation comme négative (j'avais déjà un pressentiment comme quoi c'était pas exactement les même qu'en Occident).

En attendant le temps de la révolution planétaire ou nul n'aura besoin d'arme ou d'armée...

Anonyme a dit…

Viva Chavez! Il nous en faut un comme lui en Belgique!

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