samedi 13 février 2010

Brèves de canyon

Il est 21h ce vendredi. Je suis à l'hôtel à Puno. Demain je quitte le Pérou. Je pue je suis sale.
Je prend ma première douche chaude depuis 5 jours. Je me soigne. Je constate que les séquelles corporelles sont quand même plutôt profondes. 
M'en fous, la peau ça repousse.
Et malgré les coups de soleils sur les bras, ça m'empêche pas d'écrire

le bled en fête
Cabanaconde. Après 7h de route depuis Arequipa. Il est 8h du soir mercredi. Tout autour de nous c'est la fête, la joie. Nous arrivons en pleine célébration annuelle de la fête du village, perché au bord des falaises. Je me suis joint à des touristes français rencontrés dans le bus, moins horrible que la majorité pensais-je. Peine perdue. Ils ne parlent pas espagnol, ils ne danseront pas, il feront leurs touristes à se plaindre de tout et de rien. Ils sont là pour faire du « treck dans le Colca ». On boira une bière ensemble et je les laisserais lâchement tomber comme des chaussettes sales, sans aucun remord.

Toutes ces choses qu'elles disent
Au lever à 9h, dans cet hôtel pour lequel l'adjectif miteux est une qualité au vu du reste, nous prenons le petit déjeuner. Que de touristes venus sur le lieu, je suis là pour les mêmes raisons qu'eux, mais pas de la même manière, j'espère, là encore. Une musique tourne sur la chaine hi-fi. C'est TATU, groupe de rock féminin russe lesbien (ça ne s'invente pas), très fameux en Europe il y a ... plus de 7 ans. Je repense à cette bonne amie à Guanare, que j'avais rencontré à Noël dernier. Sa chambre était tapissée d'affiches du groupe. Et puis également ce pote de Toulouse, de science po, un fou de la braguette avec les mâles, actuellement à Vancouver au Canada, qui adore également ce groupe. Drôle de sensation en entendant ça ici, après avoir traversé routes, chemins, sentiers, pistes, et pire encore ...


El paisano
Il est dix heures et demi. Dans le village, je harangue un type du coin (un paisano) pour demander mon chemin. Il commence à s'énerver sur les touristes qui ne profitent pas des réelles richesses de ces lieux et de ces péruviens traîtres qui profitent de la situation. Plutôt d'accord, je m'énerve avec lui, on finit par en rire. Il m'indique une autre route, moins fréquentée, plus belle. Je croise quelques ouvriers en train de construire la route, des paysan locaux accompagnant leurs chèvres, leurs vaches aux pâturages, et plus  loin quelques autres travaillent la terre avec des bêtes de somme. La ruralité d'abord. Je trouve le chemin qui 'ma été indiqué. C'est vrai qu'il est beau. Plus long aussi mais ça je ne le découvrirais qu'ensuite.


Le bout du rouleau compresseur
Je vient d'arriver enfin en bas. J'ai doublé tous les groupes de touristes. Je voulais être seul, c'est gagné. 3h de marche pour descendre au cœur de ce Canyon du Colca. Les paysages sont exceptionnels. Je ne suis pas mécontent de moi. J'enlève mes chaussures sentant une vague douleur sous les chaussettes. Ça saigne. J'ai dû un peu trop forcer sur les suspensions plantaires en faisant la descente vitesse grand V. Je désinfecte en plongeant les parties atteintes dans le torrent de la rivière toute proche. C'est froid, ça fait du bien.


Co(l)catour.com
me  voilà dans un petit hameau coupé du monde, juste au dessus des falaises, en bas du canyon. J'ai marché 2h de plus pour arriver là. Je commence à être fatigué. Les pansements aux pieds ne suffisent plus à entacher le mal. Je croise d'autres groupes de touristes, je m'écarte de ceux-ci le plus vite possible et me cache dans un petit pâté de maison. J'appelle. Une vieille, la caricature de la péruvienne à pancho et habits colorés sort de sa baraque. Elle parle un espagnol avec l'accent quechua. Je lui demande si elle vend quelque chose à boire. Je repars quelques minutes plus tard, en sirotant une bouteille de Coca-Cola, à 5h de marche de tout point relié au monde par une route praticable. Les « miracles » de la mondialisation. Je suis à nouveau seul. Sur la route, je suis face à une intersection, je ne sais où aller. Je descends. Raté j'arrive chez une jeune fille, toute seule chez elle, qui m'explique que je me suis planté royalement. Ce ne sera qu'une demi heure de perdue. Je remonte, et je trouve un peu plus loin sur l'autre chemin, enterré dans le sol, un paquet de Haribo qui m'indique sur le chemin à suivre. Les bienfaits de la pollution touristique.


A la bonne sousoupe
Enfin, enfin cette fois j'y suis. J'achève la côte de San Juan à faire passer pour une blague le reste. Je m'écroule à terre pétri de crampe. Tordu de douleur, dans mon délire, je pleure autant que je ris. Je n'ai plus d'eau, plus de force, je viens d'achever la remontée de la deuxième montagne. 1000m de dénivelé en une heure. Il me reste encore 2het demi de marche pour arriver à destination. J'ai mal, partout, froid, en sueur, comme de la fièvre. Je déniche un peu plus loin une ferme. cochon dans un enclos, poules, des gamines qui jouent avec un bébé alpaga, et une femme à qui en échange de quelques sous m'offre des bouteilles d'eau fraiche et une soupe chaude.
Cette soupe, elle était pas bonne, pas digeste, avec des légumes pas assez cuits. Je la déguste brûlante et reprend le chemin. Sans cette soupe, il est certain que je n'aurais pu arriver au bout.


Se brûler les pieds pour arriver à l'oasis du paradis
Au loin on la voit, enfin. J'ai rejoint un autre groupe, avec toute nationalité, la descente est dangereuse, je supporterais, et ils parlent presque tous espagnol. Il nous faudra encore une bonne heure pour arriver tout en bas. Je me séparerais d'eux lorsqu'ils s'arrêteront faire une pause. Je cours presque à n'en plus pouvoir respirer. J'arrive. L'oasis. Et l'hotel. Avec ses cases. Et la piscine. Et un lit. Seulement 8h de marche presque ininterrompue. Et j'ai pas mangé depuis 12h autre chose que des biscuits. Je ris intérieurement ou extérieurement, je ne m'en rend plus tout à fait compte. L'eau est froide. Il n'y a pas d'électricité. Ni de papier toilette. On mangera une soupe éclairés à la bougie.


Un dernier sentier pour la route
Il est 5h 30, je refais mes derniers pansements et opte pour la technique de l'étouffement du pied à l'aide de vieilles chaussettes : si le sang n'arrive plus, je ne pourrais plus avoir mal. Erreur. Les coups de soleil de la veille mon brûlent dans le cou. On s'apprête à remonter, avec une française et son compagnon chilien et un couple de péruviens du nord du pays, tous les quatre voyageurs (et non touristes). 3H de marche en vitesse normale. On parie sur 5h au total étant donné notre état de fatigue. Eux n'ont fait que cette descente la veille, pas le grand parcours de 8h. Menfin ils ont bien morflé aussi.


Quand les mules nous prennent pour les ânes
6h. On a commencé à monter. Mais j'apprends alors que nos amis péruviens ont pris une incitative originale la veille : réserver des ânes ... ou des mulets, je suis bien incapable de faire la différence vu mon état. Je me retrouve évidemment sur la plus colérique qui dès qu'elle ne voit plus son maître à des poussées d'adrénaline, ce qui l'entraîne à courir et galoper sur les rochers cahoteux, à 10 cm du vide. Je fais pas mon fier. Me revient cette chute il y plus de 10 ans d'un âne, juste après l'avoir monté, celui-ci m'étant tombé sur la jambe et m'avait laissé une jolie entorse.
Ojala que no occura nada (espérons qu'il n'arrive rien)


Ce n'est qu'un début, continuons ... à marcher
Il est 8h. Nous venons d'arriver au sommet après 1h30 de grimpette à dos d'âne dans les sentiers sinueux du canyon. La mule s'est un peu calmée. J'ai un peu mal à l'entre-jambe mais à vrai dire je ne ressens plus de douleur ni rien. Juste épuisé. Je l'ai fait. Je ne sais comment. On croise les touristes déjà vu la veille arrivés à pied. Certains sont partis à 3h et demi du matin. On marche pour rejoindre Cabanaconde. Je peux vérifier que ma théorie de l'étouffement du pied n'est absolument pas efficace, bien au contraire. Pas le temps de s'arrêter, je récupère ma valise et en route dans le premier bus de 9h pour Chivay. Le voyage durera trois heures. Ce n'est pas un bus touristique. Je serais debout tout le long. La route est plutôt sinueuse. Enfin, entre les pieds meurtris, les bras et la nuque brûlée, pas le temps d'avoir mal au cœur.

A quelle heure on arrive ?
Arrivée à la gare routière de Chivay vers 11h. Je défais le massacre piedral et tente quelque chose de plus correct et moins serré. Ca semble plus efficace. On saute dans le bus touristique (avec le prix « touristique ») pour Puno, au bord du lac Titikaka (prononcer Titijaja pour faire local). Juste 5h de route. Les paysages sont extraordinaire. La route serpente à 4000 mètres. Je ne peux m'empêcher de penser « quel petit joueur ce mont Blanc ». Là où il culmine, ici l'on est en « bas ». dans deux heures ont sera au bord du Lac Titikaka, les paysages sont époustouflants. Il commence à pleuvoir. De toute façon il fera nuit, on verra demain.

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