samedi 21 novembre 2009

Paroles d'expats (mais pas tous)

J'ai depuis quelques temps rencontré un petit bout de la communauté française expatriée au Venezuela. C'est pas des simples touristes révolutionnaires, puisque ceux-là se sont établis ici depuis déjà quelques années. Et leur discours n'évoque pas vraiment celui que j'ai pu voir ou entendre jusqu'ici dans les milieux que je fréquente.

J'ai unilatéralement exclu les trotskystes moines-soldats (dont j'ai parlé dans le billet précédent) et les escuálidos, les gens de « l'opposition » de droite, qui sont concrètement allergique au moindre fait et geste du Gouvernement vénézuelien et dont le discours demande une analyse complémentaire systématique dont je fais l'économie ici.

Ça laisse quand même un champ libre à pas mal de monde rassurez-vous.

J'ai retenu encore une fois unilatéralement deux thèmes simples qui sont revenues un peu partout au fil des conversations. le processus révolutionnaire ? Et Vive TV ? Voici quelques réponses (transcriptions de tête)

Ah et je cite personne, d'une part parce que j'ai aucune autorisation des auteurs des propos, d'autre part parce que je me souviens plus qui a dis quoi. Non ce n'est pas parce qu'ils risquent des représailles pour leurs idées, nous sommes en démocratie (ici).

Enfin dernière précision, je ne dirais pas non plus avec lesquels je suis d'accord et lesquels non, puisque sur un certain nombre de sujet je ne sais tout bonnement pas quoi en penser. Et je m'en tire à bon compte, je sais.

« Mon problème c'est que je suis resté confinée ici, à l'Est. J'ai bossé pour le Colegio de Francia (lycée Français), une micro-société, les gens qui y travaillent restent dans leur petite vie et ne connaissent rien du pays. Et sont bien évidemment d'opposition anti-chaviste. Tellement élitiste que dans les classes, les « locaux », les vénézueliens sont séparées des étrangers, peur du mélange social. Sans parler du coût, c'est évidemment que pour les plus riches. Tu vois, ça fait plus d'un an que je vis ici, mais j'ai encore jamais vu de conseil communaux ».


« Un des principaux problèmes du processus aujourd'hui c'est qu'avec tout le discours anti impérialiste contre les bases américaines en Colombie, qui est vrai, vient un discours anti-colombien. Plusieurs millions de vénézueliens sont d'origine colombienne et les réfugiés qui arrivent aujourd'hui vivent dans un misère crasse. Ils en sont souvent réduis à vendre des cacahouètes dans les petits bus de la ville. J'ai rencontré il y a quelque jours une vieille dame, immigrée colombienne, handicapée moteur, qui s'était fait littéralement violemment jetée dehors d'un bus et insultée parce qu'elle disait être colombienne. Cette haine du colombien devient quelque chose de très problématique. »



« Pour moi c'est clair, il n'y a aujourd'hui aucune révolution dans ce pays ni dans aucun pays d'Amérique Latine »


« Après l'échec du coup d'État de de 2002 de l'opposition et la révélation de leur vrai visage, même les classes moyennes soutenaient Chavez. C'était à ce moment qu'il aurait dû fermer les chaines d'opposition ayant participé au coup d'État, pas 5 ans après. Et puis il aurait pu à ce moment lancer des véritables réformes, structurelles, attaquer radicalement la corruption, la bureaucratie bref faire cette révolution. Il a été trop gentil avec l'opposition. La corruption augmente encore. L'inflation c'est 20% chaque année. Après 10 de « révolution » c'est plus tolérable ! Chavez va évidemment « perdre » médiatiquement les élections législative, puisque la dernière fois l'opposition n'a pas participé. Mais je pense qu'il peut tout aussi bien perdre la majorité elle même dans ces élections. J'espère que non mais j'en ai bien peur. Et le pire c'est que sur terrain où je suis tous les jours (ndb : le type vit dans un barrio et bosse aussi là-bas) les gens commencent eux aussi à douter du processus, même dans les classes populaires. »



« Vive Tv ? Le canal du gouvernement quoi. »
[Moi : chaine publique ok mais pas quand même de propagande, si ?]
Oui si tu veux, le canal public du gouvernement. Le problème c'est qu'à l'origine c'était une excellent projet, la première année, j'y bossais et il y avait une vraie dynamique. [Moi : oui mais la chaîne n'émettait que sur un minuscule secteur. Aujourd'hui elle est nationale] peut-être mais niveau qualité et élan révolutionnaire y a pas photo, c'était au début qu'il fallait le voir, ça avait une autre gueule que ce canal institutionnel qui alterne entre propagande du gouvernement et programme, faut bien le dire, chiants. »



« Le problème de Vive c'est qu'il n'accepte plus les critique des gens qui font partie du processus. Le pire c'est que regarde les chaines d'opposition comme Globovision, tu regardes leurs JT, c'est quasiment que des thématiques sociales ! Et ils donnent la paroles aux ouvriers en grève, aux contestations même de la part de révolutionnaires. Bien sûr ils l'instrumentalisent pour discréditer le processus, mais cette voix discordante on ne l'entends pas sur Vive, et l'autocritique c'est la seule chose qui peut sauver une révolution, d'ailleurs Chavez lui-même l'a déclaré dans son dernier Alô Presidente »



« Vive TV ? Qu'est ce c'est ? Je connais pas »

« la dynamique est retombée. Je suis là depuis 2003. Et j'ai vu ce que c'était l'élan révolutionnaire des première année. Dans la rue t'avais vraiment des gens qui chantaient et criaient vive Chavez, spontanément. C'était hallucinant l'élan. Et puis regarde aujourd'hui. Tu me parles de Gramoven, de Fama de America mais fondamentalement, ça se restreint de plus en plus. Tout ça avant c'était majoritaire dans le pays et ça se voyait partout. Aujourd'hui c'est plus pareil»



« Vive TV c'est bien, mais personne va te dire "tiens hier soir j'ai vu telle émission sur Vive". La réalité c'est que personne ne regarde cette chaine »



« On parle là et on critique le processus. Mais on est d'accord, si on entend un escualido commenter le processus, toi et moi on se retrouvera clairement pour le défendre. Bien évidemment que je tiens pas le même discours, c'est pas de l'hypocrisie, je ne vais pas quand même servir le discours de la droite sous prétexte d'être critique avec le processus ! La critique doit se faire en interne. D'ailleurs c'est un des gros problèmes du prochain congrès extraordinaire du PSUV( parti socialiste unifié vénézuelien), il n'y a eu aucun débat interne, donc les délégués seront ceux qui sont le plus connus, donc logiquement les mêmes qu'avant. Mais en même temps, comment tu fais pour faire régner la démocratie dans un parti de 7 millions d'adhérents ? »



« C'est drôle mais avec tes questions, tu me rappelles moi il y a dix ans. »

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