mercredi 30 juin 2010

Ca n'en finira donc jamais ?


A Cusco pour cinq jours, 
avant de prendre le transport avionnique de retour sur ma terre patrie.

Est-ce là la fin du voyage, ou s'est-il déjà terminé avant ?

Dans le bus entre Cochambamba et Sucre l'on rencontre ce médecin qui raconte quelques expériences de communication populaire dans les campagnes péruvienne.

A Sucre l'on se découvrait une passion commune pour le combat antipatriarcal avec une anglaise et une suédoise au bar à touriste à déguster des cocktails mal préparés (puisque pour touristes).

Le lendemain dans les environs l'on prit un bain glacé dans une des "sept cascades", au lieu dit "Alegria" (joie) avec une norvégienne et une danoise et un guide à l'oeil rincé.

A Potosi, je me terrais dans une solitaire grippe clouant au lit les plus belles ardeurs touristiques mais n'empêchant pas le dur labeur du rapport de stage à conclure avant le lendemain minuit et une seconde.
Potosi, où je rencontrais S. cette palestinienne d'Israël dissertant sur la chose autour d'un steack de lama trop sec.

Et puis je rentrais dans les mines, les vraies, et discutais avec ce vieux C. 57 ans, 20 ans de mines ce type là qui n'a rien d'autre à nous dire que "c'est un peu plus dur qu'avant". Les mines. simplement les mines. 8 millions de morts et 6000 y travaillent encore.

Le lendemain à Uyuni avec G. un toulousaing cong, on regarde un western, mauvais remake des 7 samourais, intitulé "les 7 magnifiques" et où l'on arrive dans un élan d'enthousiasme et de congélure friesque à disserter sur les cow-boys communistes et les paysans mexicains capitalistes rentiers.

A Uyuni toujours, on buvait des breuvages malsains et où I. m'apprends des trucs pas déportés sur ce qui se passe dans la région, des histoires de villages "déplacé", d'uranium, d'argent et de lithium.

Pendant le tour magnifique des dizaines de merveilles de la région on se retrouve dans un hôtel de sel à Saint Jean d'Atacama, le jour de la fête ... de la Saint-Jean et où l'on croise deux autres hexagonaux récemment partis du Venezuela avec qui l'on entre dans des discussions beuveresques sur le chavisme et la rrrrrrrrévolution bolivarienne, alors que l'on voit juste à côté notre chauffeur/guide touristique se bourrer la gueule. 

Et c'est pas au petit matin qu'on le retrouvera très net ce qui ne l'empêchera pas de prendre la route le bougre. Sur cette route cahoteuse et bringueubanlante avec ce même chauffeur bourré, la compagnie anglophile de 5 gringos (4 from england et un australien) tous non spanishophones dont deux débarquaient de leur château à Mânchestêr et les autres de leur "university" ne comprenaient pas pourquoi il n'était pas possible d'avoir des oeufs brouillés au petit déjeuner. My lord. Pas plus qu'ils ne comprirent pas le lendemain à 4700m d'altitude dans un froid moins trentien au bord d'une lagune colorée, pourquoi les pankakes étaient-ils si mous. My dear.

Et puis au matin à 7h, dans ce même tour incroyable, ça sentait le souffre à côté des geysers du volcan "soleil du matin" 5000 mètres d'altitude passés, avant de redescendre prendre un bain brûlant dans une eau à 35 degrés dans les sources chaudes alors que dehors "ça pèleuh oh putaing cong" disaient les autres toulousaings qui faisaient trempette cong.

A Copacabana, au bord du lac bien nommé, où le vieux du coin nous entretient de l'histoire de la région et des connards de péruviens qui nous volent les richesses teudieu, et que le lac étant coupé en deux, le titi c'est la bolivie et le caca c'est là bas, alors qu'à côté les amies de Santa Cruz font cramer des bougies en super supposition d'une quelconque superstition. Perché sur le "calvario" au dessus de la ville, lieu de communion et de prière qui n'est pas dérangé outre mesure par la vente voisine de coca-cola et ... de bière. Allelujah.

Sur l'île du soleil au milieu du lac légendaire 4h de marche, où je découvre le coucher de soleil sur le lac titicaca avant d'aller discuter la nuit venue sur la plage illuminée par une pleine lune de la manière de refaire le monde avec D, une franchote trentenaire altermondialiste tendance jardin de cocagne pseudo-bouddhiste et pas pseudo-névrotique. Et où la donzelle me remémore pas mal de parole d'ici, de là, comme une synthèse de ceci et cela

Ce voyage s'est peut être terminé le lendemain, quand j'ai vu le lever de soleil sur ce même lac et où j'ai traversé en solitaire toute l'île du soleil par la cime, la tête vide, avec des chants, des danses, des voix, des rires qui traversaient l'esprit. Lavage de cerveau et remise en condition mentale occidentale. Un Snickers en arrivant de la ballade.

Non. Ce fut finalement hier soir, quand je passais la frontière qui relie la Bolivie au Pérou avec de grosses larmes qui avaient les plus grandes peines à couler mais qui se sentait dans le dedans, là où ça se sent et ça fait sens. Passant sous ce porche somme tout banal, quittant la terre bolivienne, sûrement pas pour toujours, mais un bon moment certainement.

Voila c'est fini.

Enfin j'espère.

vendredi 4 juin 2010

D'une pierre deux coups de tronçonneuse

2 semaines. Pas un jour de plus dans ce creux de terre, ce poumon planétaire, avant de déployer lentement les ailes travestit en touriste qui ne s'assume pas, et pour finir sur toit du monde avant d'atterrir enfin en terre native. Chez soi.

Faire le bilan de ce voyage voilà l'heure qui s'approche. Heure actuelle : j'ai actuellement une bonne fièvre et un bon mal de bide. Un coup de blase.

Autant dire une bonne fois que j'ai trouvé ici la terre la plus terrible que je n'aie jamais rencontrée. Car l'Amazonie n'est pas une terre d'accueil, une terre où l'on s'intègre. L'Amazonie désintègre, détruit ce que l'on croyait être et en fait non. Elle détruit les hommes qui ne se sont certes pas privés pour la détruire elle aussi. Pourquoi d'ailleurs ? Pour l'argent ? Tomber un arbre ça va beaucoup plus loin, c'est tuer le père, la mère le frère les sœurs et ses racines, c'est tuer un peu de soi.

    Quand l'on voit ce qui reste dans cette communauté San Cristobal, à 15 km de Riberalta, rien, il n'y a plus rien. Oh bien sûr il y en aura toujours pour dire ça repoussera. Mais non, cette communauté est en quelque sorte condamnée. Parce que son territoire est minuscule (700 hectares), parce qu'elles subit tous les problèmes de ville, délinquance, vols, pollution ordurière, et qu'elle a perdu l'âme du campo, du rural. Ce sont les premiers arrivants à San Cristobal qui ont entamé la boucherie forestière. Un arbre est alors égal à 6 mois de subsistance, ça payait bien son homme. Ils ont rasé, coupé, et aujourd'hui c'est celui à qui il en reste deux ou trois qui s'estime le plus « heureux ». Communauté où l'on retrouve aussi le pire de ce qui fait communauté. Chacun sur sa chaise devant sa maison. Le lien social ? Pensez-vous. Le pouvoir, le contrôle de soi, des autres. De savoir ce qui se fait, et cette réputation qui assaille et qui détruit de l'intérieur. Cette vieille dame qui me parle est une souffrance vivante, vivant seule avec son fils trisomique et sa mère plus que grabataire, elle reste, sachant qu'elle y mourra dans cette communauté. A défaut de vivre aujourd'hui. Elle n'a plus rien. Du riz, du manioc pour sa pitance. De ses 30 cochons on ne lui a laissé que 3. De ses arbres il ne reste que les troncs. Qui ? Des passants, à moto qui volent et ramènent à la ville. Des nouveaux arrivants qui pillent les parcelles et qui s'en vont. Quand ce ne sont pas les autres de la communauté qui lui prennent son territoire, par un jeu mesquin mêlant la légalité de la réforme agraire et la cupidité personnelle.

Non je n'ai aucun espoir pour cette dame, qui mourra avec sa mère ici, pas beaucoup plus pour sa communauté, mais je suis paradoxalement rempli de joie et de bonheur en les voyants. Parce que par le contre-exemple, un des innombrables que j'ai croisé ici, j'ai bien pu comprendre à quel point les espaces de changement structurel qui se sont également ouverts ici sont précieux et importants. A vivre tout les jours avec des personnes mettant en pratique ici un socialisme avec autogestion et développement soutenable on en oublierait que nous étions dans l'une des régions où le capitalisme s'exprime le plus brutalement. Impossible de mesurer l'importance mais ce changement est bien là. Car même là, ils ont l'école, le stade de foot, et le médecin qui vient, avant il n'y avait pas. On crevait tout simplement. De rien à un peu ça change pas mal la donne déjà.

Allégresse aussi parce que plus le temps passe moins je me sens chez moi ici. Non pas que je n'y sois pas bien. Le fait est que ce dont j'avais l'émerveillement naïf d'un réalisme magique comme le prône cet imbécile de Gabriel Garcia Marquez s'ouvre aux yeux d'une réalité si dure qu'insupportable.
Et cela n'est pas descriptible, mais je vois désormais les fissures du temps et des douleurs sur les visages des gens que je croise. Je croise un peu de cette atroce souffrance humaine qui a été vécue ici. Et j'y suis définitivement étranger. Mon monde n'est pas celui de la souffrance, de la douleur permanente, mon monde est celui de l'abondance, de la famille qui reste soudée et de l'enfance heureuse, protégée, de tout, y compris de moi même. Cela ne change rien à mes positions quand à choisir de quel côté de la barricade je serais au moment venu. Il faut simplement être humble et reconnaître qu'il est impossible de traduire pour soi ce que l'on n'a pas vécu.

Les histoires humaines des gens ici font froid dans le dos, viols, incestes, meurtres, intérêts financiers, alliances diaboliques, manipulation, soumission, résignation, exploitation, destruction. Il y a toujours quelque chose de pourri au paradis.
Et c'est justement bien de cela qu'il est question.
La révolution ne mène pas au paradis sur terre, qui serait le  plus atroce et ennuyeux des monde.
La révolution est un mouvement, de changement dans la structures des sociétés et des hommes et femmes eux/elles mêmes. Qu'il se fasse selon des conditions historiques, matérielles et objectives préalables, c'est une évidence. Mais si l'histoire peut être écrite mathématiquement, elle ne peut pas être un processus mathématique car pour que l'histoire s'écrive il faut justement qu'intervienne cette part du mythe révolutionnaire, cette "mystique" comme l'appellent les camarades du Mouvement des Sans-Terres brésilien, ce qui fait être révolution et non plus dire.

Rempli d'allégresse donc, par le fait d'avoir quelques certitudes supplémentaires dont celle de ne pas savoir grand chose et d'être être qui apprend. Je sais d'où je viens et d'où je ne serais jamais. Heureux, la tête dans l'air empli de terre qui m'entoure, je m'embarque pour ma dernière communauté, mon dernier programme, la dernière heure, avant de.

La guerre contre la vie avorte et ment

J'ai pu visionner récemment un film argentin intitulé « punto y aparte », qui présente le destin croisé de deux femmes un peu aprticulières.
L'une vivant dans les bidonvilles et ayant eu son enfant, l'autre petite bourgeoise des quartiers riches ayant avorté. En résumé, à la fin du film, la femme pauvre a cru en la vie et en Dieu ce qui l'a sauvé et lui a permis de s'en sortir, malgré qu'elle n'aie pas de travail, pas de maison, que son mari la batte, lui eut vendu son enfant sur le marché noir, avant de le récupérer. De l'autre, la bourgeoise a avorté et s'est donnée pour mission d'empêcher les autre de la faire dans son entourage devant le traumatisme que cela lui a causé, en invoquant elle aussi la puissance de Dieu, du pardon et de  l'amour. On ajoute que son petit ami se livrera rien de moins qu'à du harcellement pour entrainer sa compagne à avorter, avec succès.

Présenté comme ça, ça semble un poil culcul et certains dialogues du film rappellent presque les bons vieux sermons de la Très Sainte Mère l'Eglise Catholique qui Nous Sauvera Tous Amen.

A la fin, la pauvre se retrouve à aller faire le ménage dans la maison des riches. Justement ceux dont la fille est ce jour là en train d'accoucher, parce qu'elle a refusé d'avorter dans un acte de bravoure contre ses parents qui ont peur pour leur réputation. Fille qui est l'amie de l'autre bourgeoise qui elle a avorté et qui lui expliqué que « c'est pas bien »
En pour finir, écran final, sur fond noir :
« pertes de guerre nord-américaines » : guerre civile, guerre de Corée, guerre du Vietnam, etc … au total, un million de morts.
et en dessous :
« guerre contre les enfants non encore nés, depuis la légalisation de l'avortement aux Etats Unis en 1973 : 20 millions de morts ».

le problème c'est que ce film est construit de telle manière que si après la fin tu t'avises encore de défendre d'avortement tu es :
pour la « bonne réputation » et contre la l'auto détermination de soi
pour les riches et les blancs et contre les pauvres et les noirs
contre la vie, Dieu, et pour le machisme et l'oppression masculine et la mort
Bref tu es une ordure.

Après ça l'on ne peut que se remémorer ce passage à la clinique communautaire cubano-bolivienne de Riberalta.
Côté cubain, devant nous au dessus du bureau de la secrétaire, Fidel et le Che. « normal ».
Côté bolivien : une affiche : « le meilleur remède contre le Sida c'est l'abstinence. ». Signé en dessous USAID. Le préservatif est signé en dernière position.

Là où ça devient amusant c'est que c'est cette même agence américaine internationale pour le développement (USAID) est la même qui finance les mouvements séparatistes et coup d'étatistes au Venezuela comme en Bolivie. Il y a donc une continuité directe entre les pro vie et les pas pro-socialisme du XXIe siècle.
De la même manière, j'ai pu rencontrer ici des pasteurs évangélistes, tenant des propos à faire pâlir de rouge une avant garde  marxiste-léniniste, expliquant les méfaits du système capitaliste, de la destruction de l'environnement … glissant quand même que le changement c'est nous, chacun dans son foyer, la mère en éduquant ses enfants, le père par son autorité, et que le changement doit être individuel et SURTOUT PAS collectif. Evidemment.
On apprendra par d'autres sources qu'il y a dix ans ils faisaient leur mantras de la sauvegarde de la « démocratie » comme on l'entendait alors (déléguée et bi-partite). C'est l'intérêt de ce genre de groupes religieux, ils savent évoluer avec le vent là où l'Eglise catholique reste très rigide et pas vraiment « sexy ». Benoit XVI représente.

On en est donc là, dans un pays en révolution comme au Venezuela mais sur ce genre de question l'on ne travaille pas sur le même plan que chez nous.
Chez nous où lors des affrontements entre pro et anti avortement à Toulouse, les flics en sont à matraquer les pro avortements jusqu'à ouvrir le crâne à des militantes armées … de tomates.
Chez nous où désormais être gay et se faire des bisous devant une Eglise porte atteinte à la sûreté de l'Etat et aux bonnes moeurs des chastes âmes.
Chez nous où les opposants à l'avortement savent désormais se maquiller sous les groupes de conseils, via sites internet, numéro verts et savent également de mettre à l'écoute (en apparence du moins) d'une femme qui pense recourir à ce genre de pratique.

On ne va pas se jeter la pierre en permanence, mais il faut reconnaître que dans ce combat contre ce si lumineux obscurantisme des réactionnaires, on a tendance à toujours jouer ceux qui savent, ceux qui disent et qui font sans prendre en compte les gens qui vivent toutes ces oppressions, quelles soit capitaliste ou matri/patriarcale. A être de « bons » gauchistes quoi. Face à qui dire que l'avortement n'est pas juste un acte anodin range instantanément dans la catégories « connard de sexiste réactionnaire de droite ». j'exagère à peine.

Ici, là bas, on se demande qui est le plus avancé, enfin le plus conscientisé.






 Quand le bruit des tam-tam ne laisse pas entendre la plainte du pauvre
quand ceux qui n'ont pas de pain sont déjà en train de crier,
« Dieu s'en chargera »

Nous sommes semblables, nous ressemblons à ce que nous sommes
dans la manière de prier Dieu, de tromper Dieu, et la forme de tromper grâce à Dieu
Je veux l'égalité à l'école,  où les petit noir, indien et blanc apprennent le même « A »
Il n'y a pas d'égalité dans l'Eglise, car on peut y voir un homme assis sur une chaise avec son nom,
après avoir écrasé un autre homme, après avoir écrasé milles autres hommes.  
Voulant laver son âme et disant : « Dieu, pardonnez-moi »
 
quand le bruit des tam-tam ne laisse pas entendre la plainte du pauvre
quand ceux qui n'ont pas de pain sont déjà en train de crier,

« Dieu s'en chargera »
Quand cesserons nous donc d'être pauvres » (x2)

le Pape vint en Colombie. Le premier à lui baiser la main, ce fut un oligarque, Seigneur
et Camillo, le prêtre, celui qui ne trompait pas Dieu
dans une poche de sa soutane, un livre de Saint Thomas d'Aquin et dans l'autre, celle de gauche, un livre de Karl... Marx
Il cherchait l'égalité pour l'offrir à Dieu
« Pour une nouvelle société, sans collèges privés, sans grandes propriétés et sans patrons »

et Camillo, le prêtre, celui qui ne trompait pas Dieu
mourut seul, dévorés par les vers.Et savez-vous qui l'a tué ?
Ce fut celui-là même qui soutenait celui qui faisait le baisemain au pape
quand il descendit de son avion

quand le bruit des tam-tam ne laisse pas entendre la plainte du pauvre
quand ceux qui n'ont pas de pain se mettent à crier,
Leur Dieu, Mon Dieu, il s'en chargeront »


Ali Primera : « Dios se los cobre »


Note : Camillo fait référence au révolutionnaire Camillo Torres.