dimanche 18 juillet 2010

La fin du début

- LAST BUT NOT LEAST -
 
Attention, message d'information urgent 
à destination des passagers 
en provenance d'escapades bolivariennes.

embarquement immédiat pour Lima, Pérou.

Comme un sentiment qu'il y a quelque chose de moi qui reste dans ce continent, qui va me manquer, qui fait partie de moi. Que tous ceux qui ont pensé à un certain genre de chose lève la main. Non, Rien à voir.
Et pourtant ça fait bien 9 mois que j'y fus. 
Quelque chose est né. Qui ? Quoi ?

Oui il reste quelque chose de moi là-bas.
Cette terre dont je ne pourrais plus dire "ici" avant un bail.
Parce que j'y reviendrais c'est plus qu'une évidence, ne serais-ce que pour prendre un quelconque hypocrite angle journalistique sur ce monde qui bouge.
Et tout le reste.
Et bien plus.
et encore.

La boucle se boucle.

atterrissage à Bogota, Colombie, 20h heure locale.

De cet aéroport le 30 septembre dernier à l'aéroport de Bogota j'y retournais le 15 février, clôturant ainsi ma courte vie en Bolivarie.
Du cireur de pompes à 4h du matin aux amis colombiens au détour d'un maxi burger frites.
Le meme aéroport au je serais transféré définitivement le 4 juillet prochain.
Le dernier pas exactement au même lieu que le premier.
"le hasards c'est la main de Dieu" me disait quelqu'un il y a peu.
Rien n'est moins sûr.

Il y eu ce touristic-tour de deux semaines au travers de la Bolivie qui m'a donné une étrange impression de régression. Comme si de l'adulescent devenu là bas dans la jungle je redevenait le bon petit français au fur et à mesure. Avec la langue, les manies, les attitudes.
A se rendre compte ENFIN qu'on va à l'autre bout du monde pour chercher ce que l'on est au plus profond de nous, chez nous.

20 ans, c'est jeune mais mieux vaut tôt que jamais.

Plus dure sera la chute ? pas si sûr. La chute a déjà eu lieu. en bonne partie.

Nous sommes le 5 juillet, il est 14h, bienvenue à l'aéroport de Madrid Bajaras, Espagne.

Y a-t-il encore une boucle ?
Y-a-t-il encore un voyage quand le vécu d'ailleurs construit aussi largement ce qui sera mon futur d'ici ?
Suis-je réellement parti, sorti de moi même comme je le croyais ?
Peut être ben que oui, peut être ben que non. On s'en fout presque en fait.

Je n'attendais rien de ce voyage. 
Et c'est ainsi que je m'en fus sans trop imaginer ce qui allait m'arriver, des bouts de vie bouts à bouts, en ficelle, et rien d'autres.
c'est aux moments où je n'avait plus les bouées de sauvetage déjà bien imprimée presque jusqu'à genetic-code que j'ai pu découvrir un petit peu de ce qui reste quand il n'y a plus tout ce qui nous fait en société. Peu. extrêmement peu. Mais c'est bien l'essentiel.

Dans quelques instants nous atterrirons à l'aéroport de Toulouse Blagnac, veuillez attacher vos ceintures et éteindre votre téléphone portable.

J'espère qu'au moins vous avez pu profiter du voyage, aussi loin et proche que celui ci fut pour vous. j'ai grandi, ceux qui suivent depuis le balbutiement l'on bien senti, même si comme le disait si bien une chère amie ribéralténienne : "tu as beau être mûr pour ton âge, il te reste encore un long chemin à parcourir. Ton aventure ne fait que commencer"

Ma compagnie ne vous abandonnera pas pour autant.

Elle continuera ses envolées lyriques et polémiques au travers du journal Article 11, espace virtuel qui s'envole nouveau canard mensuel qui coincointera à partir de la fin septembre, dans tous les bons kiosquiers de l'Hexagone et dans les ventes à la sauvette toulousaine où vous risquez de me croiser cette fois en chair et en os.

Elle prendra des airs radiophoniques sur Radio Saint Affrique pour la dernière semaine de juillet, à l'heure sixième por la tarde
Et sur Radio Mon Païs, en toulousanité, une fois l'atterrissage consumé en collaboration bénévole, salariée, va savoir ce qui me sera proposé.

Et dans les rues, les routes et les sentiers de France et pas de Navarre, pour le moment.

Et à l'Institut d'Etudes Politiques de Toulouse pour une paire de 365 jours encore.

Et sur ma terre natale dans mon petit bled aveyronnais, aujourd'hui demain et peut être un peu plus longtemps que je le pensais.

Ce voyage était chouette. vraiment très chouette.j'en garderais de très bon souvenir. En votre compagnie peu nombreuse, dans un entre soi cosy, presque intime, ça tombe bien, c'était un peu l'idée. mais franchement, c'était cool.

Merci de votre considération, merci de vos réactions, merci de vos attentions.


L'on atteint enfin la page finale du carnet de voyage. déjà.

à moins que peut être, un jour prochain ?

mercredi 30 juin 2010

Ca n'en finira donc jamais ?


A Cusco pour cinq jours, 
avant de prendre le transport avionnique de retour sur ma terre patrie.

Est-ce là la fin du voyage, ou s'est-il déjà terminé avant ?

Dans le bus entre Cochambamba et Sucre l'on rencontre ce médecin qui raconte quelques expériences de communication populaire dans les campagnes péruvienne.

A Sucre l'on se découvrait une passion commune pour le combat antipatriarcal avec une anglaise et une suédoise au bar à touriste à déguster des cocktails mal préparés (puisque pour touristes).

Le lendemain dans les environs l'on prit un bain glacé dans une des "sept cascades", au lieu dit "Alegria" (joie) avec une norvégienne et une danoise et un guide à l'oeil rincé.

A Potosi, je me terrais dans une solitaire grippe clouant au lit les plus belles ardeurs touristiques mais n'empêchant pas le dur labeur du rapport de stage à conclure avant le lendemain minuit et une seconde.
Potosi, où je rencontrais S. cette palestinienne d'Israël dissertant sur la chose autour d'un steack de lama trop sec.

Et puis je rentrais dans les mines, les vraies, et discutais avec ce vieux C. 57 ans, 20 ans de mines ce type là qui n'a rien d'autre à nous dire que "c'est un peu plus dur qu'avant". Les mines. simplement les mines. 8 millions de morts et 6000 y travaillent encore.

Le lendemain à Uyuni avec G. un toulousaing cong, on regarde un western, mauvais remake des 7 samourais, intitulé "les 7 magnifiques" et où l'on arrive dans un élan d'enthousiasme et de congélure friesque à disserter sur les cow-boys communistes et les paysans mexicains capitalistes rentiers.

A Uyuni toujours, on buvait des breuvages malsains et où I. m'apprends des trucs pas déportés sur ce qui se passe dans la région, des histoires de villages "déplacé", d'uranium, d'argent et de lithium.

Pendant le tour magnifique des dizaines de merveilles de la région on se retrouve dans un hôtel de sel à Saint Jean d'Atacama, le jour de la fête ... de la Saint-Jean et où l'on croise deux autres hexagonaux récemment partis du Venezuela avec qui l'on entre dans des discussions beuveresques sur le chavisme et la rrrrrrrrévolution bolivarienne, alors que l'on voit juste à côté notre chauffeur/guide touristique se bourrer la gueule. 

Et c'est pas au petit matin qu'on le retrouvera très net ce qui ne l'empêchera pas de prendre la route le bougre. Sur cette route cahoteuse et bringueubanlante avec ce même chauffeur bourré, la compagnie anglophile de 5 gringos (4 from england et un australien) tous non spanishophones dont deux débarquaient de leur château à Mânchestêr et les autres de leur "university" ne comprenaient pas pourquoi il n'était pas possible d'avoir des oeufs brouillés au petit déjeuner. My lord. Pas plus qu'ils ne comprirent pas le lendemain à 4700m d'altitude dans un froid moins trentien au bord d'une lagune colorée, pourquoi les pankakes étaient-ils si mous. My dear.

Et puis au matin à 7h, dans ce même tour incroyable, ça sentait le souffre à côté des geysers du volcan "soleil du matin" 5000 mètres d'altitude passés, avant de redescendre prendre un bain brûlant dans une eau à 35 degrés dans les sources chaudes alors que dehors "ça pèleuh oh putaing cong" disaient les autres toulousaings qui faisaient trempette cong.

A Copacabana, au bord du lac bien nommé, où le vieux du coin nous entretient de l'histoire de la région et des connards de péruviens qui nous volent les richesses teudieu, et que le lac étant coupé en deux, le titi c'est la bolivie et le caca c'est là bas, alors qu'à côté les amies de Santa Cruz font cramer des bougies en super supposition d'une quelconque superstition. Perché sur le "calvario" au dessus de la ville, lieu de communion et de prière qui n'est pas dérangé outre mesure par la vente voisine de coca-cola et ... de bière. Allelujah.

Sur l'île du soleil au milieu du lac légendaire 4h de marche, où je découvre le coucher de soleil sur le lac titicaca avant d'aller discuter la nuit venue sur la plage illuminée par une pleine lune de la manière de refaire le monde avec D, une franchote trentenaire altermondialiste tendance jardin de cocagne pseudo-bouddhiste et pas pseudo-névrotique. Et où la donzelle me remémore pas mal de parole d'ici, de là, comme une synthèse de ceci et cela

Ce voyage s'est peut être terminé le lendemain, quand j'ai vu le lever de soleil sur ce même lac et où j'ai traversé en solitaire toute l'île du soleil par la cime, la tête vide, avec des chants, des danses, des voix, des rires qui traversaient l'esprit. Lavage de cerveau et remise en condition mentale occidentale. Un Snickers en arrivant de la ballade.

Non. Ce fut finalement hier soir, quand je passais la frontière qui relie la Bolivie au Pérou avec de grosses larmes qui avaient les plus grandes peines à couler mais qui se sentait dans le dedans, là où ça se sent et ça fait sens. Passant sous ce porche somme tout banal, quittant la terre bolivienne, sûrement pas pour toujours, mais un bon moment certainement.

Voila c'est fini.

Enfin j'espère.

vendredi 4 juin 2010

D'une pierre deux coups de tronçonneuse

2 semaines. Pas un jour de plus dans ce creux de terre, ce poumon planétaire, avant de déployer lentement les ailes travestit en touriste qui ne s'assume pas, et pour finir sur toit du monde avant d'atterrir enfin en terre native. Chez soi.

Faire le bilan de ce voyage voilà l'heure qui s'approche. Heure actuelle : j'ai actuellement une bonne fièvre et un bon mal de bide. Un coup de blase.

Autant dire une bonne fois que j'ai trouvé ici la terre la plus terrible que je n'aie jamais rencontrée. Car l'Amazonie n'est pas une terre d'accueil, une terre où l'on s'intègre. L'Amazonie désintègre, détruit ce que l'on croyait être et en fait non. Elle détruit les hommes qui ne se sont certes pas privés pour la détruire elle aussi. Pourquoi d'ailleurs ? Pour l'argent ? Tomber un arbre ça va beaucoup plus loin, c'est tuer le père, la mère le frère les sœurs et ses racines, c'est tuer un peu de soi.

    Quand l'on voit ce qui reste dans cette communauté San Cristobal, à 15 km de Riberalta, rien, il n'y a plus rien. Oh bien sûr il y en aura toujours pour dire ça repoussera. Mais non, cette communauté est en quelque sorte condamnée. Parce que son territoire est minuscule (700 hectares), parce qu'elles subit tous les problèmes de ville, délinquance, vols, pollution ordurière, et qu'elle a perdu l'âme du campo, du rural. Ce sont les premiers arrivants à San Cristobal qui ont entamé la boucherie forestière. Un arbre est alors égal à 6 mois de subsistance, ça payait bien son homme. Ils ont rasé, coupé, et aujourd'hui c'est celui à qui il en reste deux ou trois qui s'estime le plus « heureux ». Communauté où l'on retrouve aussi le pire de ce qui fait communauté. Chacun sur sa chaise devant sa maison. Le lien social ? Pensez-vous. Le pouvoir, le contrôle de soi, des autres. De savoir ce qui se fait, et cette réputation qui assaille et qui détruit de l'intérieur. Cette vieille dame qui me parle est une souffrance vivante, vivant seule avec son fils trisomique et sa mère plus que grabataire, elle reste, sachant qu'elle y mourra dans cette communauté. A défaut de vivre aujourd'hui. Elle n'a plus rien. Du riz, du manioc pour sa pitance. De ses 30 cochons on ne lui a laissé que 3. De ses arbres il ne reste que les troncs. Qui ? Des passants, à moto qui volent et ramènent à la ville. Des nouveaux arrivants qui pillent les parcelles et qui s'en vont. Quand ce ne sont pas les autres de la communauté qui lui prennent son territoire, par un jeu mesquin mêlant la légalité de la réforme agraire et la cupidité personnelle.

Non je n'ai aucun espoir pour cette dame, qui mourra avec sa mère ici, pas beaucoup plus pour sa communauté, mais je suis paradoxalement rempli de joie et de bonheur en les voyants. Parce que par le contre-exemple, un des innombrables que j'ai croisé ici, j'ai bien pu comprendre à quel point les espaces de changement structurel qui se sont également ouverts ici sont précieux et importants. A vivre tout les jours avec des personnes mettant en pratique ici un socialisme avec autogestion et développement soutenable on en oublierait que nous étions dans l'une des régions où le capitalisme s'exprime le plus brutalement. Impossible de mesurer l'importance mais ce changement est bien là. Car même là, ils ont l'école, le stade de foot, et le médecin qui vient, avant il n'y avait pas. On crevait tout simplement. De rien à un peu ça change pas mal la donne déjà.

Allégresse aussi parce que plus le temps passe moins je me sens chez moi ici. Non pas que je n'y sois pas bien. Le fait est que ce dont j'avais l'émerveillement naïf d'un réalisme magique comme le prône cet imbécile de Gabriel Garcia Marquez s'ouvre aux yeux d'une réalité si dure qu'insupportable.
Et cela n'est pas descriptible, mais je vois désormais les fissures du temps et des douleurs sur les visages des gens que je croise. Je croise un peu de cette atroce souffrance humaine qui a été vécue ici. Et j'y suis définitivement étranger. Mon monde n'est pas celui de la souffrance, de la douleur permanente, mon monde est celui de l'abondance, de la famille qui reste soudée et de l'enfance heureuse, protégée, de tout, y compris de moi même. Cela ne change rien à mes positions quand à choisir de quel côté de la barricade je serais au moment venu. Il faut simplement être humble et reconnaître qu'il est impossible de traduire pour soi ce que l'on n'a pas vécu.

Les histoires humaines des gens ici font froid dans le dos, viols, incestes, meurtres, intérêts financiers, alliances diaboliques, manipulation, soumission, résignation, exploitation, destruction. Il y a toujours quelque chose de pourri au paradis.
Et c'est justement bien de cela qu'il est question.
La révolution ne mène pas au paradis sur terre, qui serait le  plus atroce et ennuyeux des monde.
La révolution est un mouvement, de changement dans la structures des sociétés et des hommes et femmes eux/elles mêmes. Qu'il se fasse selon des conditions historiques, matérielles et objectives préalables, c'est une évidence. Mais si l'histoire peut être écrite mathématiquement, elle ne peut pas être un processus mathématique car pour que l'histoire s'écrive il faut justement qu'intervienne cette part du mythe révolutionnaire, cette "mystique" comme l'appellent les camarades du Mouvement des Sans-Terres brésilien, ce qui fait être révolution et non plus dire.

Rempli d'allégresse donc, par le fait d'avoir quelques certitudes supplémentaires dont celle de ne pas savoir grand chose et d'être être qui apprend. Je sais d'où je viens et d'où je ne serais jamais. Heureux, la tête dans l'air empli de terre qui m'entoure, je m'embarque pour ma dernière communauté, mon dernier programme, la dernière heure, avant de.

La guerre contre la vie avorte et ment

J'ai pu visionner récemment un film argentin intitulé « punto y aparte », qui présente le destin croisé de deux femmes un peu aprticulières.
L'une vivant dans les bidonvilles et ayant eu son enfant, l'autre petite bourgeoise des quartiers riches ayant avorté. En résumé, à la fin du film, la femme pauvre a cru en la vie et en Dieu ce qui l'a sauvé et lui a permis de s'en sortir, malgré qu'elle n'aie pas de travail, pas de maison, que son mari la batte, lui eut vendu son enfant sur le marché noir, avant de le récupérer. De l'autre, la bourgeoise a avorté et s'est donnée pour mission d'empêcher les autre de la faire dans son entourage devant le traumatisme que cela lui a causé, en invoquant elle aussi la puissance de Dieu, du pardon et de  l'amour. On ajoute que son petit ami se livrera rien de moins qu'à du harcellement pour entrainer sa compagne à avorter, avec succès.

Présenté comme ça, ça semble un poil culcul et certains dialogues du film rappellent presque les bons vieux sermons de la Très Sainte Mère l'Eglise Catholique qui Nous Sauvera Tous Amen.

A la fin, la pauvre se retrouve à aller faire le ménage dans la maison des riches. Justement ceux dont la fille est ce jour là en train d'accoucher, parce qu'elle a refusé d'avorter dans un acte de bravoure contre ses parents qui ont peur pour leur réputation. Fille qui est l'amie de l'autre bourgeoise qui elle a avorté et qui lui expliqué que « c'est pas bien »
En pour finir, écran final, sur fond noir :
« pertes de guerre nord-américaines » : guerre civile, guerre de Corée, guerre du Vietnam, etc … au total, un million de morts.
et en dessous :
« guerre contre les enfants non encore nés, depuis la légalisation de l'avortement aux Etats Unis en 1973 : 20 millions de morts ».

le problème c'est que ce film est construit de telle manière que si après la fin tu t'avises encore de défendre d'avortement tu es :
pour la « bonne réputation » et contre la l'auto détermination de soi
pour les riches et les blancs et contre les pauvres et les noirs
contre la vie, Dieu, et pour le machisme et l'oppression masculine et la mort
Bref tu es une ordure.

Après ça l'on ne peut que se remémorer ce passage à la clinique communautaire cubano-bolivienne de Riberalta.
Côté cubain, devant nous au dessus du bureau de la secrétaire, Fidel et le Che. « normal ».
Côté bolivien : une affiche : « le meilleur remède contre le Sida c'est l'abstinence. ». Signé en dessous USAID. Le préservatif est signé en dernière position.

Là où ça devient amusant c'est que c'est cette même agence américaine internationale pour le développement (USAID) est la même qui finance les mouvements séparatistes et coup d'étatistes au Venezuela comme en Bolivie. Il y a donc une continuité directe entre les pro vie et les pas pro-socialisme du XXIe siècle.
De la même manière, j'ai pu rencontrer ici des pasteurs évangélistes, tenant des propos à faire pâlir de rouge une avant garde  marxiste-léniniste, expliquant les méfaits du système capitaliste, de la destruction de l'environnement … glissant quand même que le changement c'est nous, chacun dans son foyer, la mère en éduquant ses enfants, le père par son autorité, et que le changement doit être individuel et SURTOUT PAS collectif. Evidemment.
On apprendra par d'autres sources qu'il y a dix ans ils faisaient leur mantras de la sauvegarde de la « démocratie » comme on l'entendait alors (déléguée et bi-partite). C'est l'intérêt de ce genre de groupes religieux, ils savent évoluer avec le vent là où l'Eglise catholique reste très rigide et pas vraiment « sexy ». Benoit XVI représente.

On en est donc là, dans un pays en révolution comme au Venezuela mais sur ce genre de question l'on ne travaille pas sur le même plan que chez nous.
Chez nous où lors des affrontements entre pro et anti avortement à Toulouse, les flics en sont à matraquer les pro avortements jusqu'à ouvrir le crâne à des militantes armées … de tomates.
Chez nous où désormais être gay et se faire des bisous devant une Eglise porte atteinte à la sûreté de l'Etat et aux bonnes moeurs des chastes âmes.
Chez nous où les opposants à l'avortement savent désormais se maquiller sous les groupes de conseils, via sites internet, numéro verts et savent également de mettre à l'écoute (en apparence du moins) d'une femme qui pense recourir à ce genre de pratique.

On ne va pas se jeter la pierre en permanence, mais il faut reconnaître que dans ce combat contre ce si lumineux obscurantisme des réactionnaires, on a tendance à toujours jouer ceux qui savent, ceux qui disent et qui font sans prendre en compte les gens qui vivent toutes ces oppressions, quelles soit capitaliste ou matri/patriarcale. A être de « bons » gauchistes quoi. Face à qui dire que l'avortement n'est pas juste un acte anodin range instantanément dans la catégories « connard de sexiste réactionnaire de droite ». j'exagère à peine.

Ici, là bas, on se demande qui est le plus avancé, enfin le plus conscientisé.






 Quand le bruit des tam-tam ne laisse pas entendre la plainte du pauvre
quand ceux qui n'ont pas de pain sont déjà en train de crier,
« Dieu s'en chargera »

Nous sommes semblables, nous ressemblons à ce que nous sommes
dans la manière de prier Dieu, de tromper Dieu, et la forme de tromper grâce à Dieu
Je veux l'égalité à l'école,  où les petit noir, indien et blanc apprennent le même « A »
Il n'y a pas d'égalité dans l'Eglise, car on peut y voir un homme assis sur une chaise avec son nom,
après avoir écrasé un autre homme, après avoir écrasé milles autres hommes.  
Voulant laver son âme et disant : « Dieu, pardonnez-moi »
 
quand le bruit des tam-tam ne laisse pas entendre la plainte du pauvre
quand ceux qui n'ont pas de pain sont déjà en train de crier,

« Dieu s'en chargera »
Quand cesserons nous donc d'être pauvres » (x2)

le Pape vint en Colombie. Le premier à lui baiser la main, ce fut un oligarque, Seigneur
et Camillo, le prêtre, celui qui ne trompait pas Dieu
dans une poche de sa soutane, un livre de Saint Thomas d'Aquin et dans l'autre, celle de gauche, un livre de Karl... Marx
Il cherchait l'égalité pour l'offrir à Dieu
« Pour une nouvelle société, sans collèges privés, sans grandes propriétés et sans patrons »

et Camillo, le prêtre, celui qui ne trompait pas Dieu
mourut seul, dévorés par les vers.Et savez-vous qui l'a tué ?
Ce fut celui-là même qui soutenait celui qui faisait le baisemain au pape
quand il descendit de son avion

quand le bruit des tam-tam ne laisse pas entendre la plainte du pauvre
quand ceux qui n'ont pas de pain se mettent à crier,
Leur Dieu, Mon Dieu, il s'en chargeront »


Ali Primera : « Dios se los cobre »


Note : Camillo fait référence au révolutionnaire Camillo Torres.

samedi 15 mai 2010

l'homme qui ne savait pas parler

Journée fraiche. Souffle depuis le début de la semaine un vent venu du sud apportant avec lui un air glacé faisant tomber le thermomètre sous la barre des 15 degrés. De quoi congeler les Amazoniens. Nous voilà à 12 de Octubre. Communauté paysanne d'une quarantaine de familles, à 70 kilomètres de Riberalta. Communauté "pilote" de par son avancée dans son auto organisation. 

C’est l'occasion d'une réunion de travail sur un problème de délimitation de terres que nous nous rendons sur place. De nombreux dirigeants des communautés voisines sont présents. J'enchaine Interview sur interview. Mais ce ne sont pas les dirigeants qui m'intéressent. Eux ont déjà intégré les codes des médias (qui mentent comme l’on le sait). « Je suis X et je suis à votre disposition pour répondre n'importe quelle de vos interrogations » me répète-t-on inlassablement à chaque début d'interview. J'impose pour seule contrainte de dire : « je suis communicateur populaire de ma communauté … ». Auto estime. Première base que l’on m’a enseignée. Renversement du paradigme du « journaliste » toujours au centre. Subjectivité totale, assumée et désirée. C'est à partir du moment où celui qui crée l'information est lui même impliqué dans l'information parce qu'il la vit, que nait la communication populaire. On ne pourra pas dire que le Venezuela ne m’aie servi à rien.

Je m'éloigne donc des « officiels » et me dirige vers un groupe de paysans tranquillement assis sur un banc. Je demande si quelqu'un est volontaire pour une interview. Deux d'entre eux désignent un troisième qui n’a pas l'air motivé du tout même s’il n’en dit rien.
C'est celui ci qui me répond « mais je ne sais pas parler ! »
Rire alentours. Lui ne ris pas. ou si peu.
Techniquement, il a raison, il n'a pas le langage médiatique, il ne maitrise pas le rapport journalistique. Et c'est bien pour ça qu'il m'intéresse.

Je réussi à le convaincre d'essayer quand même. L'on s'installe un peu plus loin. Le lui fait un topo sur pourquoi je veux qu'il parle, l’importance d’entendre sa voix. Il me renvoie aux dirigeants de la communauté. J’insiste. Et lui présente le thème : changement climatique.
On laisse pour l'heure le micro. Et ce paysan, Roberto, commence à converser avec moi.

"Bon comment ça va par ici ? Pas trop chaud ?
-Ouh c'est de pire en pire.
-Et puis ça à l'air plutôt sec par ici
-On a jamais vu ça, cette année c'est fou. Et puis d'ailleurs...."
Ca y est, contact établie, houston, à vos les oreilles.

« ... cette année on a eu une récolte un peu faible. Surtout pour moi le cupuazu (fruit). L'an dernier j'ai récolté 700 kg sur ma parcelle et cette année à peine 100 kg. Mon riz, pareil, l'an dernier 100 sacs et cette année 40 sacs. Après pour les bananes, parce que j'ai aussi des bananes, ya pas de  problème, et pour le maïs et le manioc, c'est de la bonne récolte. »

pause. Je l'interromps.
« donc comme tu viens d'en faire la preuve, tu ne sais pas parler. »
Il me sourit mi espiègle, mi gêné.

Et je commence l'enregistrement. Il répète ce qu'il vient de dire quasi textuellement. Peu importe, il n'a pas de papier, il ne récite pas, sinon sa propre vie. Et puis au fil de  mes questions, il continue sur les autres sujets.

« la climat a beaucoup changé. Ca fait 30 ans que je suis ici et ça n'a plus rien à voir. Regarde, cette année, la saison chaude a commencé en avril, et la pluie s'est arrêtée en janvier. Tout est décalé d'un mois par rapport à avant ! Avec le vent qui vient, les récoltes sont séchées sur place. Qu'est-ce qu'on peut faire contre ça ? Ici on met en place la gestion agro-forestière, ce qui permet de pas tout détruire et de diversifier ce qu'on plante et donc de nous protéger un peu. Moi j'ai des amandes, du chocolat, du cupuazu, du riz. Le gros problème c'est qu'on a presque rien comme ressources économiques pour nous aider
à mettre en place tout ça. Ici on est tous paysans, et ça arrive que le riz n'ai pas de prix fixé à l'avance et on s'en sort plus et plein d'autres choses. On n'a pas suffisament d'appui, encore moins de la part des autorités »

Stop

Fin de l'interview. En trois petites minutes, on vient de parler des systèmes de gestion durable des forêts, de l'inaction du gouvernement local, des déséquilibres entre producteur et intermédiaires et de la diminution substantielle des récoltes comme conséquence du réchauffement climatique.

Et ce type ne sait pas parler. Je le lui rappelle à la fin.
Il éclate de rire et me donne deux trois tirades supplémentaires sur ce changement climatique, comment c'etait avant. 

Ca y est c'est fini. ou presque. Je lui explique l'objectif pour la suite : que lui même puisse faire des interviews de ses voisins et de nous les  amener pour qu'on monte des  programmes radios avec. Et ensuite qu'on le forme lui même à faire de la radio. Il est intéressé mais ne dis rien.A nouveau il ne sait plus parler.

Ce qu'il a pensé de moi, de mes méthodes, de ce qu'il a dit, du projet, il n'en dira rien. Il ne sait pas non plus pourquoi il y a ce changement climatique.  Mais du reste, il peut t'en causer des heures.

Une heure de l'aprem. On part, déjà. On fait un détour par le pont sur le Yata.
On y déguste truite, brochet et autres poissons pêchés le matin même dans la rivière proche.

En repartant, on me raconte que dans cette rivière, l'on voit parfois des dauphins qui remonte le cours. Le Yata se jette dans le Mamoré. Le Mamoré dans le fleuve Itenez qui se jette lui même dans l'Amazone. A quelques milliers de kilomètres, à Bélem. Les compagnons évoquent les souvenirs du forum social qui s'y est déroulé il y a une paire d'années. Ils y étaient, eux, avec ces paysans du fin fond de l’Amazonie. ils étaient aussi à Cochababamba. 

Cochabamba.
 
Cette semaine s’y déroule justement un évènement sans aucune importance. La chaine de télévision Koka TV commence à émettre. Cette chaine est la première télévision communautaire qui existe en Bolivie. Sans subventions étatiques, sans annonceurs. Totalement communautaire.

son slogan : "ne regardes pas la télévision. fais la" 

Le même que celui de Catia Tv à Caracas.

On sourit on pense, on vit.

mercredi 12 mai 2010

Un kamikaze lancé sur l'iceberg

C'en deviendrait presque drôle tellement la chose est absurde.
En gros :  t'es attaché à un type qui te veux du mal en train de faire de l'escalade au bord d'un gouffre. Il se jette dans le vide, tu lui tend la main au risque de le suivre. Une fois hors de danger c'est lui qui te pousse dans le dos vers le fond, en prenant soin de bien d'écraser les doigts au cas où tu aurait l'idée de vouloir remonter. Tu t'en sors. Et le type te rejoue la même scène, mais cette fois en coupant la corde et te laissant comme un gland au dessus du vide. Et tu continues à lui faire confiance. C'est plus de la foi chrétienne ce genre d'attitude, c'est de l'idéologie. Pure.

Soyons clair une bonne fois pour toute : un Etat ne peut pas faire faillite, sauf sous l'unique condition d'une faillite généralisée des Etats entrainant avec elle toutes les banques et les économies. Il semble qu'au delà de toute raison « les marchés financiers » soient prêts à envisager cette hypothèse et à mesurer ce qu'ils gagnent et perdent selon le schéma. Gagner quoi ? Ben le fric évidemment. Oui mais pourquoi tout ce fric ? Mais pour le fric voyons ! Ne cherchez pas la raison, il n'y en a pas. Ce n'est pas la Grèce que l'on sauve, mais les détenteurs de sa dette, qui sont des banques, des fonds de pension, et des hedge funds par exemple, essentiellement à l'étranger, ainsi que d'autres rentiers internationaux dont je n'ai aucune souci quand à la santé physique ou morale. Et le pire c'est que dans le contexte actuel, l'on n'a pas d'autre choix que de les sauver. Ils nous doivent tout et ils ne donnent rien, a contraire.

« les marchés » vont bien réussir en quelques mois à détruire la dernière base (en fait la seule véritable) de cette Union Européenne faillie et défaillante : l'économie. En cherchant à ramener la parité Euro/dollar a 1/1 (leur seul objectif rationnel visible à l'heure actuelle), ils vont réussir à détruire le seul ilot faisant un tant soi peu contrepoids à la suprématie du roi dollar. Tout en sachant très bien que ce dollar est voué à disparaître à terme mais qu'importe. L'épreuve du temps pour les marchés c'est maximum 24 heures.

Une chose qui m'interloque encore plus, c'est que s'endetter de 10% pour aider un autre pays déjà endetté, c'est possible une fois. Mais deux, trois quatre ? Portugal, Espagne, Italie, Royaume Uni, Allemagne et même … France … les mêmes marchés qui s'engraissent sur les dettes des pays un peu mal en point sont les mêmes qui vont prêter l'argent aux autres pays pour sauver ce pays ? Il semble bien que ce soit ainsi que cela fonctionne. Après l'euphorie boursière de lundi, "les marchés" sont à nouveau dans le doute. Même ces imbéciles comprennent aisément que s'endetter pour payer la dette d'un plus endetté, ça ne résout rien. Donc plus de 600 milliards et 10 % de dette supplémentaire pour ... rien. la confiance ne revient pas. elle ne reviendra pas.

Mais au fait, c'est qui « les marchés financiers » ? Une machine ? Une force divine ? Rien du tout ce sont des hommes et des femmes. Si la chose aurait été commise par n'importe qui, l'on parlerait depuis longtemps de terrorisme organisé. Une telle entreprise de destruction de toute construction collective humaine ne peut être autrement appelée.
Et ce terrorisme là est bien plus dangereux que n'importe quel kamikaze alquaidesque car il a des effets violents pour des millions de personnes, et non quelques victimes innocentes.

J'avais déjà des doutes sur la possibilité de chute du système avec la crise de 2008. L'on se rend compte en fait que qu'il étend chaque jour un peu plus son emprise sur ce monde. C'est le coup le plus génial depuis l'invention du néolibéralisme. Ils vont non seulement le réussir et prépare déjà les gains futurs. La Grèce mise sous la coupe du FMI. Réduisant de 30% les salaires et détruisant le système de retraites du pays, il anéantit toute chance d'une reprise économique. Sans reprise, pas de perspective de résorption de la dette. Donc nouvelle crise, nouvelle spéculation, nouvelles coupes …  et c'est une caractéristique fondamentale des marchés financiers : ils n'ont AUCUNE limite.
Ils ne vendraient pas seulement père et mère, ils spéculent déjà sur leur mort prochaine et une fois au cimetière ils feront pression pour augmenter le cours du ver de terre avant de provoquer la chute du marché de l'incinération.

Triste Europe, triste monde occidental, foutu capitalisme.

Pendant ce temps en Bolivie ? C'est la grève générale. Ouais, comme en Grèce, même pire.
Le motif : l'augmentation des salaires. Le gouvernement a annoncé +5% pour 2010
(soit sur 5 ans une hausse de 50% du pouvoir d'achat avec une inflation plutôt contenue)
Plus la mise en place de politiques de gratuité ttale ou partielle : santé, éducation, ...  
Résultat ? Grève générale. Contre la mesure. Professeurs, policiers, médecins, ouvriers, routiers, tout le monde réclame … 15 à 20% d'augmentation. Y compris la Centrale Ouvrière Bolivienne, pourtant soutien ferme du gouvernement.

Grève générale populaire pour obtenir le double d'augmentation de salaires ici.
Journée nationale d'action pour savoir si on recule jusqu'à 62 ou 65 ans l'âge légal de départ à la retraite avec un premier parti « d'opposition » qui laisse « toutes les portes ouvertes ». ca tombe bien, ça nous donne l'occasion de leur donner un bon coup de pied au cul pour les foutre dehors.

Misère de la "civilisation"

Un kamikaze nous a lancé sur un iceberg en détruisant le gouvernail et nous regarde réagir en se marrant prêt à renouveller la chose indéfiniment. Il faudrait peut être arrêter de vouloir sauver le navire et de ne laisser aucune barque pour ces tarés. Que les rats restent et qu'ils crèvent avec lui. Il faut cesser de vouloir pardonner. Ceux qui se livrent à ce genre d'activité sont coupables, exécutants ou mandants, peu importe. Et donc à juger et punir, légalement mais fermement.
En 2012, « on » votera Strauss Kahn, parce que « on » devra faire barrage à Sarkozy et à la droite. Et « on » pourrait peut être même « gagner ». Chouette.
Ce ne seront pas aucun de ceux là qui nous proposeront des débuts de solutions.
Comme la fin définitive de l'indépendance (théorique puisque dépendante aux marchés) de la banque centrale européenne.
Comme la mise à mort des traités de Lisbonne et de Maastricht (déjà récemment bien ébranlé par leurs propres architectes mais temporairement évidemment).
Comme la nationalisation et socialisation du système bancaire.
Comme la taxation à taux conséquent des transactions du capital.
Comme la suppression des subventions aux entreprises
Ca en ferait de l'argent pour le deficit, les retraites, la Sécu, l'emploi, l'éducation ...

« Peuples d'Europe, soulevez-vous » clame-t-on depuis l'Acropole.

La France s'ennuie disait-on en mars 68. pourvu que l'Europe... pourvu que ...
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vendredi 7 mai 2010

Communauté élementaire


Comme un gosse, les yeux grand ouverts, debout, ou plutôt assis sur le porte bagage de cette moto cross, au milieu de la foret amazonienne. Sillonnant des chemins de terre. Soudain, au milieu de la route, cet arbre, el castañero, qui fournit la source de subsistance d'une grande partie des gens ici, la almendra, connue chez nous comme la noix du Brésil. Cet arbre immense et majestueux, l’on le respecte. A tel point que les habitants de la communauté ont refusé qu'on le coupe sous prétexte d'une voie de passage. Alors il l'on défendu et l'arbre et resté, et la route terreuse est passée à côté. Tout simplement.

Comunidad buen futuro. 22 familles, avec une moyenne de 6 personnes dans chacune. Les baraques sont dispersées autour du village, avec en son centre un terrain de foot improvisé. A côté, les hommes au travail, les maçons robustes, qui construisent un nouveau bâtiment. Une église. La première à naitre en ce lieu, construite des mains des membres de la communauté. Les catholiques ne sont pas arrivés jusque là, mais les évangélistes si. La radio émet les crépitements d’une fréquence chrétienne. Ce matin ils écoutaient radio San Miguel, et le programme radio « mi comunidad y el bosque » (ma communauté et la forêt). Accueil chaleureux, nous sommes les bienvenus.

Buen futuro, une des communautés les mieux organisée de la région. Ca signifie quoi ? Par exemple les femmes de la communauté, comme beaucoup sont enceintes ou avec des nouveaux nés, se sont unies pour aller ensemble faire la récolte du riz pour chacune qui ne pouvait pas y aller. La récolte a été bonne cette année. Mais il fallait faire vite. Car il fait toujours plus chaud, on ne peut plus travailler comme avant nous explique Don Faustinio, le porte-parole de la communauté. On se lève à 4h et non plus à 7h. Et il faut récolter plus vite, car la récolte se perd de plus en plus vite. Les pluies se font plus rares, mais toujours plus intenses.

Chaque fois, l’accueil est personnalisé, nominatif, chaleureux, chaque fois l’on s’enquiert de la santé de la mère, du père de la famille, oh mais on l’a pas vu depuis longtemps celui là dans le coin et toi tu viens d’où ? de Finlande ? ah de France ! - et comment ca va les récoltes cette année - il a pas beaucoup plu ces derniers temps non ? Et ainsi commence l’interview pour notre programme traiatnt du changement climatique. Chaque fois notre arrivée est une fête et l’on nous propose de tout, fruits, sucreries, etc … 

Un peu plus loin, Doña Cartagena revient de la cueillette des oranges, elle nous en offre généreusement. On lui achètera aussi une poule pour le déjeuner et puis une collègue fera acquisition de deux petits poussins, pour les élever chez elle à Riberalta.

L’on circule de maison en maison. Doña Elisa donne le sein à son nouveau né. Ses trois gosses jouent. Rient. Un autre groupe de marmots passe, déboulant du ruisseau tout proche avec à la main un cerf volant. Ils gambadent heureux. Un petit singe tente de nous faire la nique en chippant dans nos sacs. Son propriétaire vient le chercher et la ramène dans son logis fermement tenue par la peau des fesses, enfin de la queue. Une minute plus tard, le singe s'échappe à nouveau dehors, et se balance sur les arbres adjacents en riant à gorge déployé de lui même.

C’est l’heure de manger, Doña Elisa a plumé et préparé le repas, on déguste une poule au pot robuste avec du riz, celui qui a été récolté il y quelque jours en communauté. Sous la table se glissent entre nos pieds un caneton, un chat, un bébé perroquet avec une patte cassé, plus tard, l’un des chiens rapplique suivi des poussins. Et tout ce monde coexiste pacifiquement. Comme la communauté.

L’on discute de nouveau avec Don Faustinio, foin de programme radio, cette fois c’est pour une étude sur les normes d’autorégulation communautaire. Où commence l’Etat, où s’arête la communauté. L’on s’enquiert des conflits avec l’institution de la réforme agraire, qui planifie et quadrille, là où dans la communauté l’on consensualise et l’on adapte la politique a la réalité du terrain. Et puis l’on s’informe sur les possibles luttes de pouvoirs internes, la possession, la récolte, mais non, vraiment, il y a une certaine harmonie ici, les problèmes internes sont mineurs et ont trait à la vigueur des récoltes. Tout se décide en assemblée communale, tout le monde assiste, participe, ca débat jusqu’a ce que l’on arrive à un consensus commun. Et ca marche. La communauté vit ainsi depuis des décennies. Elle est pauvre c’est certain, mais elle vit.

L’heure de partir. Déjà. On fait les adieux, les habitants demandent tous : et vous revenez quand ? Me vient un silence gêné. peut être jamais ici aussi. La fraicheur des sous-bois laisse place à la chaleur sur le chemin du retour. 1h de route plus tard et l’on arrive sur la rive du fleuve Béni. Immense, majestueux. Il faut le traverser, comme nous l’avons fait à l’aller,
sur cette embarcation, avec toutes les motos en vrac au milieu de radeau. Traverser une eau bleue, très sombre et profonde qui cache on-ne-sait quoi. Domination quasi totale de la nature, puissante.

Elle est là, partout, et nous sommes minuscules devant elle. 
On ne l’oublie pas. On ne l’oubliera plus.


samedi 24 avril 2010

Interlude : trois textes nordiques

Alors qu'avec la conference mondiale le Sud de la planète accomplit des pas historiques...

alors qu'au Sud avec ma tourista, j'accomplis une inutilité historique.

voila une bonne occasion de ne pas désespérer de notre nord occidental, en lisant trois textes déniché sur http://rezo.net/ le Portail des Copains.

le premier c'est le compte rendu d'une conférence de Jean Bricmont à Montpellier
le texte n'est pas réjouissant du tout mais à le mérite de donner une vision très juste de la situation actuelle en Europe et en France en la restituant dans le contexte historique et social. A noter également la réappropriation de concepts généralement réservés à l'extreme droite dans une optique fondamentalement de gauche..


Le second n'est pas à lire pour celui qui l'écrit mais pour ce dont il est question. L'article est une hagiographie banale en l'honneur de Noam Chomsky, mais il cite des réflexions du type d'une assez haute valeur intrinsèque.


 Enfin le troisième nous vient de l'inénarable Frederic Lordon, éconimiste hérétique, invité d'honneur de chez Mermet et surtout très bon vulgarisateur de ce qui tourne pas rond dans le monde financier et économique. Ses articles sont longs mais ont le mérite de la clarté et de la précision.


Et il devrait être possible qu'une fois ceci lu, l'on ne perde pas tout espoir d'un changement conséquent dans nos contrées nordiques, et qu'un nouvel article de ma plume soit déjà publié sur http://article11.info/ ou ici même sur ce blog.

mercredi 21 avril 2010

Cochabamba 2010 (3) : le jour où l'ONU fut huée

Nous sommes le matin du 20 avril. Il est 9h, la foule se rassemble peu à peu dans le stade de Tiquipaya pour la cérémonie d'ouverture. 24 000 personnes sont présentes.

la foule est là, très latino americaine. Des boliviens en grand nombre, des péruviens en costume traditionnel, mais aussi pas mal de chiliens, argentins, colombiens, equatoriens, bref toute l'Amerique Latine se donne rendez vous. Mais pas que. L'on croise une délégation iranienne avec une femme en tenue "traditionnelle" elle aussi, des sud coréens, de Cap vert, du Zimbabwe, etc ... On apprendra que 1500 personnes ne viendront aps d'Europe en raison du nuage de cendre. Comme si ce sommet devait se faire sans les pays du Nord...

La cérémonie commence apr des rituels de purification et de bénédiction à la Terre Mère, par des indiens aymara. Dans un coin on croise une jeune americaine en train de recevoir une bénédiction, et qui soudain : "stop, les piles de mon appareil photo sont vides ! Vous pouvez attendre une minute" L'indien souris, je regarde partagé entre pathétique et tristesse. je croise un ami bolivien, un autre d'ALBA TV, déjà croisé au Venezuela, sort du cercle de la cérémonie. pas de bonjour, un salut de tête rien de plus, le moment est au recueillement.

la cérémonie s'achève et commencent les discours, d'abord le préfet local, puis des représentants des cinq continents, indiens d'alaska, d'Afrique centrale, d'Oceanie et d'Asie. la question indigène est centrale ici.
Et puis viendra Evo Morales, acclamé par une foule en liesse,
celui ci fera quelques blagues suscitant enfin un quelconque intérêt à la presse occidentale :
"la malbouffe est responsable de la calvitie",
"les poulets aux hormones génèrent des déviances sexuelles".
personne sur place n'y accorde l'importance, ile st comme Evo, il fait des blagues.
Il a aussi lancé le slogan "Planeta o muerte" qui se répand depuis lors comme une trainée de poudre entre les personnes membres, mais ca semble moins toucher les agences de com-presse-ion de l'information.

Et le plus important c'est que juste avant cet "Evo macho", s'etait exprimée la représentante du secrétariat des Nations Unies, venue soutenir l'initiative.

et elle fut sifflée.

pas chahutées comme le raconte l'Agence Francaise Partisane.
Non sifflée, et très amplement.
Et vous vous demandez pourquoi ?

J'en aurais l'explication un peu plus tard dans la journée, à la conférence traitant du tribunal de justice climatique.
Avec présence de Miguel d'Escoto, "diplomate" nicaraguayen, sandiniste, ex président de l'Assemblée générale des nations unies.
et c'est homme s'exprima en ces termes.

« Les Nations Unies sont une fraude, une fraude giganstesque. Elles ne représentent pas les peuples sinon les dirigeants des nations de ce monde. Il ne faut pas réformer l'ONU, il faut la réinventer, avec des principes véritablement démocratiques, et sans avoir peur de s'opposer à la toute puissante volonté des Etats Unis, ils n'ont jamais respecté les décisions de l'ONU et toujours agis contre et en dehors. ».

Nous y voila donc, l'ébauche d'une coopération mondiale sans l'égide des pays occidentaux et des Etats Unis. Voila ce qui pousse les indiens latino americains a siffler la représentante de l'ONU. C'est cet aveu d'échec qui doit être fait, dont le plus grand exemple récent fut la conférence sur le climat de Copenhague, où 25 pays ont décidé en secret dans une nuit d'un document final refusé par les autres pays. Avant que sous pression financière une bonne partie d'entre eux accepte de signer au cours des mois suivants.
Mais Copenhague ce fut avant tout 100 000 personnes manifestant pour une justice climatique.

Ainsi je me retrouve dans une autre réunion traitant des stratégies des mouvements sociaux après Copenhague. Etonnement la présence de personnes des pays du Nord y est beaucoup plus importante. Dans un débat cordial sur savoir si on va ou pas ça mexico, si on aprticipe ou pas aux negociations, intervient soudain une militante des mouvements sociaux indiens du mexique :
"mais enfin, il ne s'agit pas de savoir si on va faire une manif ou pas ! Le changement climatique dans mon pays, il tue, auotidiennement, c-est les famines, sçecheresses et inondations, nos peuples indiens sont en train d'etre exterminés ! Et c'est pareil dans le reste du monde. Ce n'est plus l'heure de faire des marches, il nous faut tous lutter quotidiennement, partout dans le monde. " Les etasuniens présents ont eu de mal à comprendre, avec ou sans traduction ... le débat continuera plus tard dans une autre réunion.

le premier jour de la conférence se conclut. L'issu de celui ci est incertaine. A l'heure actuelle 31 000 personnes sont sur places. et les files d'attente pour obtenir l'accréditation continue encore et toujours. On se dirige selon l'Agence de Franche Propagande vers un "semi echec" sans aucune proposition. Echec pourquoi pas, mais qui marquera sans doute l'Histoire.

mardi 20 avril 2010

Cochabamba 2010 (2) : le sommet se « prépare »

Le deuxième journée commence.



En fait, ce n'est même pas la première journée véritable, le sommet s'ouvrant réellement ce mardi.


Aujourd'hui c'est une journée de travail et de préparation. Devant les dizaines de rendez vous, j'ai du faire une sélections de manière totalement arbitraire.



Ma journée commence donc à la bourre comme prévu, en prenant le premier taxi vers 8h pour se rendre sur les lieux. Les files sont longues mais pas encore totalement saturées. A l'arrivée sur les lieux, on découvre les files gigantesques des nouveaux arrivants pour obtenir la fameuse accréditation, qu'on nargue malicieusement. A l'université, il n'y a pour l'heure pas grand monde. Résultat les activités ne commenceront réellement qu'à 10h30. Début d'une journée riche en découverte.


Démocratie planétaire, utopie concrète ?

 
Le film s'intitule « World vote now », (le monde vote maintenant). C'est un documentaire réalisé par un americano-suisso-anglo-ibérique, un type assez extraordinaire, qui a mené un travail d'investigation pendant 8 ans. En résulte ce film, qui joue le pari de trouver les conditions de possibilité d'un référendum mondial. L'occasion d'une réflexion assez poussée sur le concept de démocratie et ce qu'elle nécessite, passant apr l'Iran, la Chine, la Serbie, les Etats Unis, le Venezuela, .... Et l'on se rend qu'à priori pas grand monde s'y oppose à cette idée de référendum mondial, sinon le manque d'entrain des pays occidentaux. Un film passionnant qui ouvre en beauté ce sommet. C'est aussi ça ce genre de rendez vous, le lieu où l'on peut discuter des conditions de réalisations des utopies. Le documentaire se conclut avec une première étape, soit l'organisation d'un vote sur un jour d'au moins une personne dans les 192 pays de ce monde. Objectif réussi. On fait la photo souvenir et prend les coordonnées du type, la version française est déjà achevée. On en reparlera un de ces jours ...

La journée se poursuit par une conférence du people's movement on climate change » (mouvement des peuples pour la question du changement climatique) qui s'etait déjà fait remarquer à Copenhague comme mouvement social et environnemental. Les intervenants sont un aymara bolivien, une péruvienne, une thaïlandaise et une indonésienne. Le propos des deux premiers est ultra local, émaillé des phrases en langue originaire, parlant de leurs problèmes dans leur communauté face à l'extractivisme minier transnational comme national. Problème, malgré la dimension critique des sujets, c'est d'un ennui mortel. Oui je sais c'est pas gentil mais j'ai eu du mal à lutter contre le sommeil qui m'envahissait. Les interventions suivantes furent beaucoup plus dynamiques et ont rappelé le propos fondamental de ce mouvement : la question environnementale est indissociable de la question sociale. Et que les responsables du changement climatique sont les pays industrialisés, et dans ces pays les classes privilégiés. Au moins c'est clair.


Les divers et surprenants visages de l'écologisme des pays du Sud

Après ces premières aventures, il déjà l'heure de manger un bout, on se retrouve dans un petit restaurant local plein à craquer à attendre patiemment notre plat. Les voisins peu habitués aux horaires boliviens s'en vont presque tous furieux d'attendre tant. Au bout d'une heure, on est servi, cette fois il n'y a plus personne ou presque, on apprend que les cinq personnes qui devaient venir en renfort ne sont tout simplement pas venues.
Pour re-rentrer cette fois, y a foule, les nouveaux venus sont désormais accrédités et des machines à compter les entrées sont installées au portillon bien gardé par la police et les militaires, toujours plus nombreux.


Histoire de digérer, on fait le tour du campus. Je découvre la variété des organisations écologistes qui compose ce monde. Les évidentes et puissantes, la CLOC - via campesina (paysans), la COICA (indigènes latino américains), les Amis de la terre, la plateforme bolivienne pour le changement climatique, les réseaux bolivariens boliviens.


A noter la forte présence des institutions étatiques, presque tous les ministères ont leur stand, y compris celui de la défense. Pourquoi pas.
On trouve également quelques petits bijoux groupusculaires :

le mouvement taoïste international, qui promeut l'anticapitalisme radical par la défense des animau. Ils débarquent d'une mission taoïsite en Equateur.


Alfa et Omega, Pour qui le Christ est le premier révolutionnaire (jusque là ...) mais pour qui le capitalisme c'est le diable, the 666, et la vie éternelle est promise par Dieu à ceux qui souhaitent l'égalité et le communisme. Le souci c'est que leur discours flirte pas vraiment avec Karl Marx et plus avec un mouvement sectaire. Ouais une secte évangélico-communiste, ça existe, et c'est au Pérou.


Un autre stand le PCMLM-ALA c'est pas une secte, m'enfin ça reste le parti communisme marxiste léniniste maoïste bolivien, membre du mouvement bolivarien anti impérialiste. Avec des textes réhabilitants le rôle « libérateurs » des dirigeants russes et chinois de l'époque. Raffraichissant.


Y a aussi les mouvements anti drogues et anti alcool américains, dont les tracts ressemble plus à du teleshopping qu'à de l'info, qui impriment sur du papiers non recyclable.


Et juste en face d'eux, les travailleurs de l'industrie de la coca. Je goutte bonbon, maté, gâteaux, tracts et livres. On ne le dira jamais assez : la coca n'est pas de la cocaïne. Et qu'en plus d'être sacré, c'est extrêmement bon. C'est la raison pour laquelle la nouvelle boisson nationale « Coca Colla » contient des extraits de coca, à la différence du Coca Cola, qui a au passage depuis longtemps racheté la marque nationale Inka Cola. On s'y perdrait.


On croise aussi des végétarianistes argentins qui promeuvent le cannabis comme base d'alimentation saine.


Et plus « fréquentables », des trotskystes argentins faisant signer une pétition pour la défense des prisonniers politiques et contre la répression au Honduras. on retrouve ses repères.

 
Les luttes sociales passéistes contre les « solutions d'avenirs »

Cette fois, je suis en quête de la seule conférence qui suite à une erreur d'impression, n'a pas de lieu attribué. Elle porte sur "médias de communication et changement climatique" avec présence de tout un tas de médias communautaires latino américains. En quête du sésame, je tombe sur un vieux camarade chilien, déjà rencontré au Venezuela, membre du projet ALBA TV, qui me présente ses amis du mouvement des indiens mapuches. L'on m'explique que la tragédie du séisme chilien, a aussi fait tomber les murs sociaux entre voisins, que les gens se parlent à nouveau et que malgré l'élection d'un président de droite dure qui pour l'instant se tient discret, un vrai projet alternatif est en train de renaitre.
Finalement la conférence sur les médias est annulé, l'animateur principal n'étant pas arrivé.


On se dirige alors vers une projection débat sur « Sauver les salines d'Uyuni ». Pour info, Uyuni, c'est le désert de sel bolivien à la frontière avec le Chili, qui renferme en son sous-sol la plus grande réserve au monde de lithium, ce métal si précieux qui va permettre pour nos developpement-durabilistes de faire fonctionner des voitures sans pétrole. Uyuni, c'est avant tout est une terre sacrée pour tous les indiens andins. Le gouvernement bolivien y entreprend un projet d'extraction qui fait l'objet de beaucoup de vague, y compris dans son propre camp.


Dans la salle, on se retrouve à écouter un jeune ingénieur en architecture (maisons de sel ?) un cravateux caricature école de commerce, qui commence à nous parler d'utopie, de vivre mieux etc … certes mais les salines dans tout ca ? Il continue et commence à introduire les théories d'un danois, semble-t-il son gourou, un architecte néo moderne qui projette tel Leonard de Vinci (la comparaison vient de l'étudiant lui même) voit des projets futuristes, des villes circulaires, néo bio écologico moderno high tech, avec train magnétique, Ca nécessite beaucoup d'energie ? Aucun problème, il y a le ... lithium !
Et n'oubliez pas d'acheter le livre qui exlique tout bien comme il faut qu'il nous ajoute.
Quelques personnes commencent à quitter la salle voyant l'escroquerie de plus en plus évidente.

Je reste pour voir comment ça va évoluer, et dans la foulée deux trois membres de l'assistance font des interventions demandant à ce qu'on en passe maintenant au problème d'Uyuni. D'autres dans la salle leur demandent de se taire et de laisser le type terminer son exposition. Le type continue enchanté par cet élan de solidarité inespéré et expose un deuxième projet; cette fois c'est un autre lieu proche de la Paz, où il y a du pétrole et de l'hydrogène, et on nous explique que si l'on extrait pas l'hydrogène, il va se mélanger avec le pétrole et cela fait boum. En gros, il faut extraire tout au plus vite pour sauver l'environnement. Et revoilà des maison en cône, en tubes, en verre, les projets toujours avec un aspects parfaits, tout réglé, normé, à la Star Wars ou presque. J'ai l'impression de voir un mauvais remake du « meilleur des mondes ». Et toujours pas un mot sur Uyuni, sinon que les projets futuristes vont désenclaver la zone, et la permettre d'accéder à la modernité à laquelle tout pauvre bolivien rêve.

Poussé par un coup de sang typiquement français (à moins que ce soit des germes vénézueliens) je prends subitement la parole et dénonce en termes cordiaux à quel point tous ces projets sont bien compatibles avec le système capitaliste qui est pourtant unanimement dénoncé comme responsable principal du changement climatique ici au sommet de Cochabamba. Et qu'il serait temps de parler d'Uyuni et du problème de l'extractivisme pour les populations locales. On me fait taire à mon tour : « laisse le terminer ».


Le type continue son exposé, mêlant hagiographie à peine raélienne pour l'architecte danois, et foi béate en la science et la technologie à la Claude Allegre. Cocktail sympathique. Il explique aussi qu'il ne faut pas aller à la confrontation, insiste sur le respect, ce n'est qu'un exposé, et que le dialogue et le consensus sont la solution, loin de tout débat politique. A ce point je suis convaincu d'une seule chose, le jeune étudiant n'est au mieux qu'un petit soldat néolibéral, au pire, un lobbyiste. Les gens quittent peu à peu les lieux, la salle est maintenant à moitié vide. Le type explique également qu'en substance ceux qui ne comprennent pas le projet sont des attardés incapables d'anticiper toute vision un tant soi peu d'avenir. Dit de manière plus suave évidemment. Découvrant soudain qu'on ne parlera absolument pas des salines, je m'en vais à mon tour.


A la sortie je croise un membre d'une organisation sociale bolivienne bossant sur le problème des salines.
Il me donne une information et pas la moindre : le type qui parle depuis le début est pas vraiment innocent puisqu'il est financé par une entreprise … et quelle entreprise ?
Evidemment.
J'aurais dû m'en douter.
La multinationale SIEMENS !
Productrice entre autres de batteries pour téléphones portables, qui fonctionnent … au lithium !
Evidemment.
La connexion neuronale est violente bien que totalement évidente.


J'en apprends aussi des pas vertes et des bien mûres par une autre militante : Coca Cola a proposé 400 000 dollars à la Bolivie pour être sponsors officiel du sommet de Cochabamba. Morales a failli accepter mais la vigilance populaire l'a conduit à finalement renoncer. Au résultat, le sponsor c'est ENTEL, entreprise de télécommunications récemment nationalisée, qui tient des stands dans tous les coins et tiendra une conférence traitant de l'entreprise nationalisé comme outil d'intégration pour le « bien vivre ». A noter également la présenmce de YPFB, Yacimientos de Bolivia, (gisements) l'entreprise nationalisée du pétrole, elle aussi responsable de nombreuses vagues écologistes dans le pays.


J'apprends aussi que contrairement à ce que je croyais, le bijou de technologie qu'est cette université de science est … une fac privée. Le sourire commercial des étudiantes « recrutées » pour le sommet semble tout de suite un peu plus faux.


Je me fais une petite réflexion : depuis mes expériences avec les « écologistes » au Venezuela, j'ai appris à me méfier comme de la peste verte des « opposants » aux projets de développement des pays du sud, surtout que la majeure partie du temps ce sont des européens, ou des gens qui parlent à la place des autres.


Mais voilà, ici en Bolivie, ce n'est pas la même chose. Là ce sont des boliviens, qui vivent les dégâts climatiques au quotidien et voient leur village contaminés par les rejets des mines.


Ou ce sont les paysans et indigènes dans la forêt amazonienne qui rejette les projets de méga-barrage, parce que c'est d'une part non rentable, uniquement à visée exportatrice, et évidemment désastre écologique. Et effectivement, dans ces cas précis, en bon apprenti révolutionnaire, je me dois de critiquer ce genre de choses.

Chassez l'occidental, il revient au galop

Dépité, m'apprêtant à quitter les lieux, je me rend compte que j'ai oublié ma veste à l'intérieur de la salle de conférence. Peut être l'occasion inespérée de voir un débat à la fin de l'exposé de notre « entrepreneur d'avenir ». Je re-rentre. C'est raté. La salle est désormais trois tiers vide. Et le discours tout aussi vide se poursuit sans grand remous, les agitateurs gauchisants étant déjà partis depuis longtemps. Cette fois c'est de Tiquipaya même, et de sa communauté « écologique » qu'il s'agit. Avec des projets malheureusement déjà réalité de « développement durable » des maisons moitié Matrix, moitié pop-art. A deux pas du sommet, on expérimente les maisons bio-écolo, même si pas vraiment populo-compatibles également puisque les taxistes locaux m'ont déjà expliqué que la zone s'est pas mal embourgeoisée depuis quelques années. Ce qui était une zone paysanne est devenue une zone résidentielle, en dépit des efforts des autorités pour donner un visage « vert » à la zone.


je me faufile au milieu de la « foule » et récupère mon bien juste au moment où la lumière s'allume. En pleine lumière, alors que les monsieurs allaient conclure, j'en profite pour prendre la parole de manière unilatérale expliquant le petit détail qui n'a pas été annoncé au début. Et dans un cri de rage j'invite « cordialement » les messieurs à quitter les lieux, qu'il n'ont rien à faire à conférence. Dans la salle, « tais toi, respecte la parole de celui qui parle, retourne dans ton pays, ici on veut se développer comme l'on le souhaite »


Le type : « je ne vois pas ce que Siemens vient faire là dedans ».


je note qu'il ne dément pas l'accusation.


« Très bien je m'en vais. Mais votre développement ne se fera pas avec Siemens ni aucune autre firme étrangère. Et vous le savez très bien. »


Mon départ tonitruant provoque des applaudissements nourris (en proportion à la faible quantité de gens). Tout le monde sort quelques minutes plus tard la conférence se terminant une bonne fois pour toute, certains s'étonnent encore que l'on ait pas parlé d'Uyuni plus que ça mais restent enchantés par ces perspectives « positives » pour leur pays. En me voyant, on me fait remarquer que ma casquette est la même que celle de Mao Zedong. Je lui explique qu'elle est bolivarienne enfin plus précisemment guévariste. Et un bolivien resté jusqu'au bout me répond « mais tout ça c'est pareil, ce sont des communistes! »

Je retrouve plus loin mes récentes rencontres boliviennes, à qui je conte l'aventure. Elle me félicitent même si m'expliquent qu'il ne restait que les gens convaincus (qu'il faille une nouvelle fois vendre leur pays aux firmes étrangères pour s'en sortir), et que ça ne servait à rien sinon les conforter dans leurs certitudes. Faut avouer que sur ce coup là j'ai pas joué dans la finesse. Menfin pour le coup, c'était un vrai cri du cœur.


Au retour dans le bus, un type du courant taoiste international armé d'un chapeau plus que folklorique prend la parole. Durant … longtemps, vraiment longtemps. C'est de la performance à ce niveau. A certains moment certains au fond du bus converseront de c hoses et d'autres ou riront de dépit. Un autre taoiste embusqué les fait taire, c'est encore une marque d'irrespect.


Le type aura parlé durant tout le voyage, 45 minutes sans s'arrêter, passant par pornographie, femmes, télévision, végétarisme, voiture, bicyclette, capitalisme, médias, Pachamama, terre, lune, ordre céleste, tao, socialisme, travail, tout tout absolument tout y passe. Le discours est juste, frappant là où il faut, remettant en cause chaque aspect de nos vie tranquilles, mais je n'ai jamais été aussi peu convaincu par quelqu'un, c'est totalement inaudible et finalement contreproductif. Et je ne ressens aucune honte de n'en avoir absolument rien à foutre.


Je m'en retourne à mon hôtel pas bon marché après avoir dégusté un hamburger-frites chez le bolivien du coin, et j'ai un goût très très amer dans la bouche.


D'une part parce que je ne pensais pas que les rapaces de l'éco-capitalisme allaient oser venir se montrer ici. Erreur fondamentale, il ne faut jamais sous estimer l'ennemi, en aprticulier sa capacité à franchir toutes les limites de la dignité.


D'autre part parce que je me suis comporté en parfait imbécile occidental venant dans le tiers monde critiquer tout ce qui est essayé et ne pas accepter les coutumes différentes. Exactement le contraire de ce que je tente de faire depuis mon arrivée. Très mal à l'aise.


Et en même temps, j'ai la rage intérieure qui demeure, et le sentiment d'avoir bien fait d'agir ainsi. Et que je sens sincèrement que ces gens dans la salle n'avaient absolument aucune raison de respecter ces personnes, qui étaient peut être même sincères (c'est pire), mais dans tous les cas exécutants ou acteurs, ils contribuent à l'extension du domaine du pillage et de l'exploitation. Et que pachamama ou pas, il n'y a aucune raison de respecter ceux qui viennent te piétiner et ne cherchent qu'à t'exploiter.

 
Je me pose toutes ces questions alors que je vide mon sac :
une trentaine de tracts, 5 bouquins, 4 journaux, sans compter les affiches.


Pas très écologique tout ça.


je regarde le programme du lendemain. Et je sais que je serais évidemment aux premières loges pour applaudir et hurler de joie en voyant Evo Morales et les autres chefs d'Etat et invités célébrer la cérémonie officielle d'ouverture de la conférence.

Tout le monde est prêt. le sommet peut commencer.