vendredi 7 mai 2010

Communauté élementaire


Comme un gosse, les yeux grand ouverts, debout, ou plutôt assis sur le porte bagage de cette moto cross, au milieu de la foret amazonienne. Sillonnant des chemins de terre. Soudain, au milieu de la route, cet arbre, el castañero, qui fournit la source de subsistance d'une grande partie des gens ici, la almendra, connue chez nous comme la noix du Brésil. Cet arbre immense et majestueux, l’on le respecte. A tel point que les habitants de la communauté ont refusé qu'on le coupe sous prétexte d'une voie de passage. Alors il l'on défendu et l'arbre et resté, et la route terreuse est passée à côté. Tout simplement.

Comunidad buen futuro. 22 familles, avec une moyenne de 6 personnes dans chacune. Les baraques sont dispersées autour du village, avec en son centre un terrain de foot improvisé. A côté, les hommes au travail, les maçons robustes, qui construisent un nouveau bâtiment. Une église. La première à naitre en ce lieu, construite des mains des membres de la communauté. Les catholiques ne sont pas arrivés jusque là, mais les évangélistes si. La radio émet les crépitements d’une fréquence chrétienne. Ce matin ils écoutaient radio San Miguel, et le programme radio « mi comunidad y el bosque » (ma communauté et la forêt). Accueil chaleureux, nous sommes les bienvenus.

Buen futuro, une des communautés les mieux organisée de la région. Ca signifie quoi ? Par exemple les femmes de la communauté, comme beaucoup sont enceintes ou avec des nouveaux nés, se sont unies pour aller ensemble faire la récolte du riz pour chacune qui ne pouvait pas y aller. La récolte a été bonne cette année. Mais il fallait faire vite. Car il fait toujours plus chaud, on ne peut plus travailler comme avant nous explique Don Faustinio, le porte-parole de la communauté. On se lève à 4h et non plus à 7h. Et il faut récolter plus vite, car la récolte se perd de plus en plus vite. Les pluies se font plus rares, mais toujours plus intenses.

Chaque fois, l’accueil est personnalisé, nominatif, chaleureux, chaque fois l’on s’enquiert de la santé de la mère, du père de la famille, oh mais on l’a pas vu depuis longtemps celui là dans le coin et toi tu viens d’où ? de Finlande ? ah de France ! - et comment ca va les récoltes cette année - il a pas beaucoup plu ces derniers temps non ? Et ainsi commence l’interview pour notre programme traiatnt du changement climatique. Chaque fois notre arrivée est une fête et l’on nous propose de tout, fruits, sucreries, etc … 

Un peu plus loin, Doña Cartagena revient de la cueillette des oranges, elle nous en offre généreusement. On lui achètera aussi une poule pour le déjeuner et puis une collègue fera acquisition de deux petits poussins, pour les élever chez elle à Riberalta.

L’on circule de maison en maison. Doña Elisa donne le sein à son nouveau né. Ses trois gosses jouent. Rient. Un autre groupe de marmots passe, déboulant du ruisseau tout proche avec à la main un cerf volant. Ils gambadent heureux. Un petit singe tente de nous faire la nique en chippant dans nos sacs. Son propriétaire vient le chercher et la ramène dans son logis fermement tenue par la peau des fesses, enfin de la queue. Une minute plus tard, le singe s'échappe à nouveau dehors, et se balance sur les arbres adjacents en riant à gorge déployé de lui même.

C’est l’heure de manger, Doña Elisa a plumé et préparé le repas, on déguste une poule au pot robuste avec du riz, celui qui a été récolté il y quelque jours en communauté. Sous la table se glissent entre nos pieds un caneton, un chat, un bébé perroquet avec une patte cassé, plus tard, l’un des chiens rapplique suivi des poussins. Et tout ce monde coexiste pacifiquement. Comme la communauté.

L’on discute de nouveau avec Don Faustinio, foin de programme radio, cette fois c’est pour une étude sur les normes d’autorégulation communautaire. Où commence l’Etat, où s’arête la communauté. L’on s’enquiert des conflits avec l’institution de la réforme agraire, qui planifie et quadrille, là où dans la communauté l’on consensualise et l’on adapte la politique a la réalité du terrain. Et puis l’on s’informe sur les possibles luttes de pouvoirs internes, la possession, la récolte, mais non, vraiment, il y a une certaine harmonie ici, les problèmes internes sont mineurs et ont trait à la vigueur des récoltes. Tout se décide en assemblée communale, tout le monde assiste, participe, ca débat jusqu’a ce que l’on arrive à un consensus commun. Et ca marche. La communauté vit ainsi depuis des décennies. Elle est pauvre c’est certain, mais elle vit.

L’heure de partir. Déjà. On fait les adieux, les habitants demandent tous : et vous revenez quand ? Me vient un silence gêné. peut être jamais ici aussi. La fraicheur des sous-bois laisse place à la chaleur sur le chemin du retour. 1h de route plus tard et l’on arrive sur la rive du fleuve Béni. Immense, majestueux. Il faut le traverser, comme nous l’avons fait à l’aller,
sur cette embarcation, avec toutes les motos en vrac au milieu de radeau. Traverser une eau bleue, très sombre et profonde qui cache on-ne-sait quoi. Domination quasi totale de la nature, puissante.

Elle est là, partout, et nous sommes minuscules devant elle. 
On ne l’oublie pas. On ne l’oubliera plus.


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