mercredi 24 février 2010

L'indigène, la bière ... et moi

Qu'est-ce que vous imaginez ?
Que je vais vous parler de la dangereuse et sauvage forêt amazonienne ?
Des coutumes locales et des traditions ancestrales ?
Du folklore et du dépaysement ?
Des indiens d'Amazonie ?

Parlons plutôt d'alcool. Et de bière.

Partout en Amérique Latine j'ai pu trouver des bières. Blondes, brunes, avec les affiches de demoiselles peu vêtues, blondes, brunes, qui vont avec la plupart du temps au litre, pas immondes, pas extraordinaires non plus. Juste une « cerveza » fraiche pour faire la fête. Une simple bière.
Parfois un « trago », le bouchon d'alcool fort cul sec. Souvent très très fort.
Mais dans l'ensemble c'est la bière qui rafle la mise partout où j'ai pu posé mes bottes.

Mardi dernier, Il y avait ce type à la fête en arrivant à Riberalta. Pour le dernier jour du carnaval.
D'origine takana (une des 36 communautés indigènes de la région). Il buvait une bière.
Bien costaud, la peau très brune, les yeux presque bridés.
Il buvait une bière. Comme tout le monde aux alentours. Sauf les enfants qui jouaient dans la piscine gonflable.
On écoutait de la très mauvaise pop anglaise des années 80.

Je me revois dans ce restaurant miteux de la Paz. Buvant une soupe de légumes, viande, poisson, enfin je ne savais pas vraiment ce qu'il y avait. Elle était chaude et nourrissante. On pouvait voir à la télé au dessus du bar une telenova, (série sentimentale très ... sentimentale), mais qui, au lieu de riches blancs de Miami, mettait en scène la vie « quotidienne » d'un village des « indiens d'Amérique ». La fille du chef (très belle) a trompé son mari, le sorcier (vieux et moche) avec le guerrier (musclé et valeureux). Le chef était naturellement pas content alors le guerrier a été chassé.

Indiens ? Autochtones ? Groupe humain ? Tribus primitives ? Peuples Premiers ?
Il en reste encore quelques uns pour sûr. (même si je rappelle l'invasion des Amériques a laissé quelques 50 000 000 (millions) de cadavres.)
Aucun mot de convient.
Faut il encore que l'on en invente de nouveaux, puisque nous sommes incapables d'en trouver des appropriés ?
Ici, on dira indigènes puisque c'est comme ça qu'ici Ils s'identifient eux-même

C'est vraiment quelque chose d'incompréhensible et indispensable à toute tentative de compréhension de cet autre pays en révolution.

60% de la population de Bolivie (comme du Pérou) est indigène. La majorité est aymara (dont le président Evo Morales) ou quechua. Mais il en existe bien d'autres peuples, plus de 36 rien que dans la région amazonienne où je me trouve.
Plus que d'origine, l'on peut entendre parler ici de racines, de sang indigènes.
C'est une fierté pour ceux qui s'en réclament, et une honte pour les autres. Pour certains, ce dégoût en arrive à tel point qu'on a pu assister encore l'an passé à des chasses aux indigènes. Avec des morts. Le gens de l'ONG dans laquelle je me trouve ont été obligé de quitter le pays, l'institut menaçant d'être incendiés.
Parce qu'ils travaillent avec les indigènes. Et les paysans.

L'échelle de valeur est simple, on me l'a déjà expliquée à plusieurs reprises puisque j'appartiens à « ceux qui peuvent le comprendre » comme « on » dit : tout en bas avec les animaux, l'indigène, (et le noir), puis le paysan (et l'asiatique). Au dessus le métis, et en haut de la pyramide le blanc.
Bienvenue dans une société « post » coloniale.
De l'avis des révolutionnaires locaux rencontrés, la majorité des gens ici continuent de penser qu'ils ont besoin d'un chef, d'un maitre, qu'ils n'ont pas à agir eux même. Ici, les élections se décident majoritairement en fonction des intérêts des grands entrepreneurs du bois et de la cacahouète. Locaux, nationaux, internationaux. Bienvenue dans une société « néo » coloniale.

Brève de conversation avec ce descendant du peuple Takana le même soir avec une autre bière :

« Je viens d'ici Riberalta, Et toi ? »
« De France, de la partie sud, d'une région très peu peuplée et très peu connue. »
« Oui mais je veux dire, tes origines elles sont où ? »
« à la capitale Paris et à Lyon de par mes parents. »
« Mais tu n'a aucun lien avec ta terre ? Là où tu a grandis ? »
« Si bien sûr, j'y suis attaché. mais ça me semble différent d'ici, c'est pas aussi fort. Ce serait plutôt le pays qui prime chez nous. Enfin pas tant pour moi. »
« En fait, t'es un immigré. Comme le sont ici les quechuas de l'altiplano ou les espagnols. Mais ta terre, tes racines, c'est et ça restera là où t'es né, non ? Tes fils, tes filles, auront cette terre dans leur sang.
Tu sais, t'es comme moi, tu es indigène, ça ne tient qu'à toi de le reconnaitre. »

On a repris une bière. (Une dernière pour la route. Enfin pour le chemin de terre dans le cas présent.)
et discuté d'autres choses (des filles et de ... politique) puis s'est engagée une bataille d'eau géante avec les gosses qui étaient enchantés de pouvoir jeter des bombes à eau sur leurs parents comme pour chaque carnaval. J'ai lamentablement perdu la bataille du fait de l'efficacité redoutable de la stratégie d'encerclement des progénitures des « indiens ». Sûr, ils sont mûrs pour aller chasser l'alligator.

Le lendemain, à mon logis, l'hôtel Okinawa, tenu par des japonais, j'ai pu visionner sur la chaine Warner Bros TV le film : Indiana Jones et le crâne de cristal. Où l'art de parler dans un même films de l'importance des études, de la relation père – fils, du divorce, de la Guerre Froide avec des américains (gentils), des communistes (méchants), des Incas, des Quechas et des Nazcas (où a du mal à faire la différence, ils sont en tout cas sanguinaires et cannibales), et des extra-terrestres. Plus une histoire d'amour bien sûr, Hollywood is Hollywood..

Qu'imaginiez vous donc ?
Que j'allais vous parler de la dangereuse et sauvage forêt amazonienne ?
Des coutumes locales et des traditions ancestrales ?
Du folklore et du dépaysement ?
Des indiens d'Amazonie ?

1 commentaire:

cormoreche Noêlle a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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