envoyé par maloubrujita.
Il souffle sur ce pays des airs différents, que je vous ai déjà insufflés en ce lieu ici ou là.
Des air de fêtes, de joie, magiques sous certains airs. Realistes sous d'autres.
Alizés insaisissable, une vapeur multiple. Pas descriptible, mais qui file, comme le vent.
Et puis d'autres airs beaucoup plus tragiques, venus du passé.
Histoire de prendre un peu l'air après une journée de travail acharnée, les soufflements provoquées par les ventilateurs dans la salle sans aération qui me sert de studio d'édition ne suffisant plus à m'aérer en cette chaude journée d'avril.
Assis sur le banc à l'entrée de l'aire d'accueil, je sens soudain une brise fraiche qui vient s'insuffler à l'intérieur du cénacle. Et qui devient de plus en plus forte. Il souffle.
A côté de moi, les deux paysans venus chercher un peu d'air dans leur quotidien de sueur, discutent avec un des travailleurs. « Ils fait plutôt frais pour la saison »
L'un deux s'adresse à moi, me voyant de vent :
« Avant ce n'était pas comme ça » souffle-t-il d'un air triste.
Avant quoi lui répondis-je ?
« Avant tout ça, tout ça, tout ce que tu vois, le monde tel qu'il est. Avant il n'y avait pas de vent ici. Jamais. Ou si peu. Parce qu'il y avait la forêt, ici. Maintenant il n'y a plus la forêt. Et là bas non plus. Pi tu sais que ce que tu vois là comme vent, ce n'est rien. »
Et les voilà à se raconter les histoires de villages, de chapelle, de quartier, du monde rural, comment le toit de telle ou telle maison s'envola à la suite de la dernière tempête.
« et tu sais pas la dernière ? l'église évangélique dans la communauté là bas, il l'ont construite en terrain tout net, sans rien autour. Et l'autre fois ça a soufflé dans le coin tu te rappelle ! Et bien le toit et parti. Et tu sais où il est allé ? Juste à côté de l'Eglise catholique, qui est à quelques pas. Elle elle a gardé son toit ! Et tu sais pourquoi ? Pas parce qu'elle était mieux construite ! Parce qu'il y avait les arbres autour. »
Ils rient gaiement
Je demande : mais d'où vient-t-il ce vent ?
« De l'Est, du Nord, de là bas, loin loin, au Brésil ».
Et puis le type prend une pause se tourne vers moi et me souffle :
« Tu sais gringo, il y a eu le caoutchouc et ils avaient besoin des arbres. Ils y eu la cacahuète et ils en ont encore besoin. Mais demain, pour personne il n'y aura plus rien. ils ne replantent pas, il n'en ont rien à faire. Ils ont essayé l'élevage, ça ne marche pas ici. Alors ils ont arrêté. Ils ont essayé le soja, ça n'a pas marché, alors ils ont arrêté. Et pendant ce temps ils coupent, ils taillent, ils brûlent, de manière la plus sauvage et destructrice. Et maintenant le vent souffle ici, parce que les arbres ne l'arrêtent plus. Parce qu'il n'y en a plus. Et pour nous les paysans, il n'y aura bientôt plus rien. Le vent viendra et emportera tout. Et ce sera un désert, Riberalta disparaitra et nous aussi. Et vous êtes les seuls qui tentez d'y faire quelque chose ».
Ma pause ventilatoire s'achève. Je remercie les personnes de m'avoir éventé de leurs savoirs, et je retourne travailler. Sur fronton de l'entrée est inscrit le logo du lieu : Institut Pour l'Homme, l'Agriculture et … l'Ecologie.
Le mot est dans le vent, c'est pourtant la seule fois où je le rencontre depuis que j'ai décidé de prendre l'air de Bolivie.
Le vent se lève, le froid arrive et le ciel s'obscurcit. Voilà la pluie.
1 commentaire:
Je lis depuis quelque temps tes carnets de voyages ! Très exactement depuis que ta mère m'a envoyé ton adresse. Bon je ne lis pas tous les jours, étant retraité je n'ai pas que ça à faire ;-)! Pour moi celui ci est le meilleur, bien écrit, bien équilibré, et bien conclu. Il pourrait servir de préface à un traité sur la destruction de l'agriculture par la connerie. Ou à un bouquin de René Dumont !
Enregistrer un commentaire