samedi 17 avril 2010

Les nuages de poussières se couchent sous l'horizon révolutionnaire


Vous ne la voyez pas, vous ne la verrez pas. La révolution bolivienne n'est pas visible.
Il y a ici ces chemins, où à la nuit tombée plane un brouillard épais de poussière de terre à cause de la circulation abondante du jour, masquant et tâchant tout paysage aux alentours. Cette poussière, elle ne retombe que quand vient la pluie, la tempête, l'orage la tourmente, ou les rigoles se font torrents et les flaques se transforment en lacs.
Alors devant la force contrainte, l'on distingue effectivement un peu de ce qu'il y a ici,

La révolution bolivienne est un peu à cette image. Ce n'est que quand ça va mal qu'on peut l'apercevoir de nos fenêtres septentrionnales. Guerre de l'eau, 2000, guerre du gaz, 2003, élections puis conspirations, 2005 – 06, séparatisme 2008 et ce n'est pas fini vu comment les loges d'extrême droite et autres délicieux comités civiques repartent à l'assaut.

Sauf que la poussière masque, cache. Et nos yeux occidentaux sont incapable d'entrevoir de la moindre mesure de ce qui se joue ici. Et de mon point de vue délocalisé, ce n'est qu'une lorgnette qui s'ouvre à moi.

Bien sûr, parlons de l'éducation pour tous jusqu'aux indiens Takana ou Chakobo au coeur de la forêt. Bien sûr parlons des briques, des ponts, des routes, des pavés. OU de la nationalisation des ressources naturelles, de la redistribution des richesses.
Et parlons encore plus de ce qui va se jouer du 20 au 22 avril 2010, une date qui fera date sans aucun doute, ou presque, pour les deux tiers de l'humanité.

Voilà toute l'Europe perdue sous un immense nuage de poussière, émanation d'une éruption naturelle, un caprice pachamamien venu de l'Islande, pays déjà turbulé ces derniers temps.
C'est drôle ces coïncidences, tous ces évènements qui ici prennent un sens, un ordonnement, un évidemment, c'est "logique". A l'extrême opposé d'une "logique" de système rationnelle. si tant est qu'un système qui plus il avance, plus il s'autodétruit, peut être considéré comme rationnel.

Finalement à quoi cela servirait-il que je tente de vous en parler ?
Je l'ai fait d'une certaine manière, qui ne me satisfait pas suffisamment, pour le Venezuela, je pense en être pour l'heure incapable pour la Bolivie.

Et quand bien même j'en serais capable, nous, lecteurs, serions nous capables de nous décentrer de notre centre ? De nos désoccidentaliser un instant de notre occidental apostolique romain même plus catholique ? Je ne veux présumer de rien, mais je pense que pour le moment nous en sommes tous incapables.
Moi le premier.

Oh je vous ferais bien un de ces jours un topo sur tout ce qui se fait ici en matière révolutionnaire. Mais comme je le ressens actuellement, cela semble bien peu dire au regard des forces qui jouent ici.
On flirterais presque avec le mystique, qui fait si peur aux laicards athéicistes, les mêmes qui n'ont jamais eu autant de foi pour leur athéisme. Reconnaissons le pour le moins, croire en la révolution est une forme de foi. Ca ne fait pas de nous des odieux curetons ni des je ne sais quelle secte.

Qu'il y ait des conditions historique, un processus de soulèvement populaire gradué arrivant à l'élection d'un indigène au pouvoir, très bien. Mais l'on oublie à chaque fois que la force qui pousse ce soulèvement populaire n'est pas sur-déterminée par je ne sais quelle dialectique historique.

L'on peut (et l'on doit) établir les causes et conséquences d'un processus révolutionnaire au regard de cette outil d'analyse extraordinaire qu'est la lutte des classes, mais le moment révolutionnaire pour sa part n'est pas révolutionnaire pour rien. 
C'est qu'il va au delà de conditions matérielles préalables, qu'elles soient objectives ou subjectives d'ailleurs. On ne parle plus de matérialité, mais d'humanité en mouvement. Autre registre, autre sons, autres sens.

Voilà pourquoi vous et moi ne comprendrons jamais la révolution bolivienne, et la vénézuelienne aussi d'ailleurs, parce qu'elles ne s'expliquent pas. Et le meilleur exemple de cette certitude de l'incertain, je l'ai sous les yeux, moi, qui ne peux croire ce qui m'arrive.
Réel, irréel, magique, concret ? Ces termes se mélangent et forment un corpus nouveau, qui justement ne se théorise pas. Il se vit.
Je pourrais tout aussi bien vous dire que quand je quitte le centre de la ville où je me trouve, je sens au tréfond de moi la puissance immense et écrasante d'une force supérieure. Vous me répondrez que je parle aux arbres, comme un fou, et ce sera d'ailleurs ce que je répondrais une fois rentré.
Inaudible, hors champ.

Je pourrais vous dire aussi que ces mêmes forces extrêmement naturelles, font peu de cas du jeu social que nous jouons quotidiennement, dans nos sociétés. Bas les masques, tous à poil, les humanités dévoilées sans qu'on puisse rien maitriser.
Et vous me répondrez certainement qu'ici aussi je joue un rôle, que c'est aussi une société et qu'elle fonctionne aussi avec ses rôles sociaux.
Et vous aurez parfaitement raison.

Raison ne fait pas révolution.

C'est une chose extrêmement violente pour un esprit cartésien rationnel tel que le mien, de découvrir que le fait révolutionnaire ne se fait pas, ne se déclenche pas seulement en fonction de conditions préalables, mais qu'il se supporte en lui même, sans explications.

Et c'est alors que nos bons révolutionnaires, et je ne suis pas le dernier dans le lot, diront : "Alors quoi ? On arrête tout ? La militance ? Et laisse venir le Grand Soir et en attendant on attend ? Bref, éloge de l'innaction ?"

Ce qui fera une fois de plus la preuve de notre totale stupidité à tenter en vain de comprendre, puisque c'est bien du contraire qu'il s'agit.

Cette action collective, ce mouvement social, cette union qui fait la force, elle est révolution en soi. Par exemple, tant que dans les Assemblées générales mêmes des plus stériles, si au moins un étudiant sort avec une possible remise en question sur ce qu'il croit, alors nous auront provoqué quelque chose de révolutionnaire et il y na justification pour continuer.

A ma gauche on me dira que cela aboutit à la Révolution permanente, chacun son petit bout de mouvement, et là encore c'est erreur.

Car le mouvement qui provoque ce mouvement ne peut être dissocié du mouvement vers lequel il se meut. En somme, on ne peut conscientiser un étudiant dans une AG si l'objectif ultime de notre mouvement n'est pas d'aboutir à un changement des fondements institutionnels qui régisse notre société.

Oh je n'invente rien, ça a été dit et redis par les uns ou les autres et ça fait un bout de temps que j'en suis convaincu. En revanche ce qui est nouveau pour moi c'est à quel point ce mouvement là, cette tension collective vers ce changement fondateur, est mystique. Plus qu'une croyance, c'est une expérience de vie.

J'en viens du coup à élaborer des théories vaseuses. 

Comme quoi la chute du mur de Berlin n'a été en rien la chute de l'idéologie soviétisante, qui s'est fondue à merveille dans le néolibéralisme financier et sécuritaire. le fonctionnement d'un fond de pension ou autre banque d'investissement à plus à voir avec le stalinisme que n'importe quel parti communiste contemporain.
En revanche, par cet effondrement, quelque chose d'autres a été détruit pour une moitié de l'humanité, la faute aux acteurs du pourrissement de longue date du processus originel, mais aussi à ceux qui ont toujours lutté contre ce dessein originel.
Et c'est cette mystique que nous avons pour tache de reconstruire aujourd'hui.
Le propos vous dérange ? Je serais en train de faire l'éloge d'un totalitarisme ? 
Je justifie et excuse l'horreur la plus noire ?

faites tomber les grilles.

L'excuse perpétue le jugement de valeur, le bien ou le mal
. « On » aurait mal fait ? Mais réalisons d'abord que nous n'existions tout simplement pas alors ? Ce ne sont pas d'excuse qu'il faut aujourd'hui, poour personne.
Assez de condescendance, même après avoir commis tout ce que nous avons commis, l'on continue à juger à l'aune du bien ou du mal nos actions.
en revanche, oui, reconnaissance.

En premier lieu celle que JAMAIS la révolution industrielle qui nous a mené à devenir des pays dits développés, absolument JAMAIS n'aurait été possible sans l'accumulation préalable de capital, issu du pillage systématique de l'ensemble des ressources dans le monde entier, à commencer par les filons d'argent sans fins des mines de Potosi, et tout le reste de ce continent dont les veines ouvertes ne se refermeront sûrement jamais. Et ce pillage humain, cette destruction destructrice, de l'Afrique, des autres cultures, pillées, esclavagisées et massacrées jusqu'à la dernière goutte.
Cela ets prouvé, re prouvé et fait partie de notre Histoire.
Notre richesse n'est que la conséquence de leur exploitation.
Nous ne sommes pas des coupables, mais notre civilisation est responsable.
C'est la première chose que nous devons reconnaître.
Avec son corolaire : le système capitaliste actuel est génocidaire.
c'est un fait mainte fois démontré, par le passé en encore le présent.
Et ce n'est pas le million de morts d'Irak qui m'en donnera tort (oui un million, soit le chiffre des organisations indépendantes, puisque le chiffee officiel est celui de l'armée américaine .. vous ne saviez pas ?)

Je glisse sur des terrains glissants ? Sauf que les nuages de poussières ne glisse pas. La terre on la sent bien, on l'a tant autour de soi pour bien garder les pieds bien ancrés, bien plus que dans notre modernité flottante.

Et nous devons maintenant reconnaître que ce sont ces mêmes populations que nous avons si longtemps soumises, qui aujourd'hui; au travers de siècles de luttes, dessinent la nouvelle voie pour l'avenir du monde et de l'Humanité. Et sauf changement de dernière minute, cela se fait et se fera sans nous.

Il faut en commencer par là pour saisir ce que peut être le mouvement révolutionnaire en cours ici. Commencer par révolutionner notre vision de nous mêmes comme pays développés, occidents, là où nous avons des siècles de retard dans notre mystique sur le reste du monde.

Et se révolutionner soi même. Une fois à nu, l'on découvre ses contradictions les plus profondes qui font mal. Et c'est bien cela le problème majeur pour nos étroits esprits égotistes : a quoi bon faire la révolution si elle ne m'apporte pas "Mon" bonheur sur terre ?

Et tout ça il faut le mener de front, et collectivement.
Et c'est extrêmement difficile mais c'est une nécessité impérieuse.
Et quand des gens qui ont a peine de quoi manger une fois apr jour mènent depuis leur naissance jusqu'à leur mort cette lutte, on peut se questionner sur nous mêmes.

Ces 20 au 22 avril 2010 va se dérouler une rencontre entre 15 000 personnes, membres d'organisations sociales du monde entier, de plus de 111 pays, qui vont collectivement décider de la manière dont ils s'accordent pour trouver des solutions à la faillite prochaine de la civilisation humaine devant la destruction environnementale.
Cette conférence mondiale des peuples pour le climat ne tiendra peut être pas toutes ses promesses, et l'hypothèse est possible qu'a posteriori l'on dise que ce fut un échec.
L'échec de quoi, l'échec pour qui ? Pour quoi ?

Lexistence même de cette conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre Mère, est en soi une réussite. Tout ce qui en sortira ne pourra être qu'un pas de plus vers des jours meilleurs.

J'y serais et vous transmettrais comme je le pourrais au cours des jours prochain la quotidiannité d'un tel évènement.
si tant est que ce soit possible. Enfin le possible désormais ... vous savez ....

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'attends avec hâte la suite...
très beau texte, vrai et plein d'émotion, merci

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