mardi 5 janvier 2010

Réveillon bolivarien

Nous sommes donc le soir du 24 décembre.

Un quartier populaire de la petite ville de Guanare, ville du Sud Ouest du Venezuela, au cœur des grandes plaines qui s'étendent sur toute une frange du sud du pays, los Llanos. qui comme leur nom l'indique se caractérise par leur platitude (géographique).
Une sorte d'Ouest Sauvage, avec des cowboys à cheval appelés llaneros, l'harmonica transformé en harpe et cuatro (guitare à quatre cordes) accompagné par une voix masculine le tout formant la musique llanera.

La soirée commence donc sur des airs llaneros, sur la chaine Hi-fi équipée de 4 baffles surpuissantes histoire que tout le monde entende bien sans pouvoir s'écouter. Si à l'origine nous sommes 5 (moi et la famille qui m''héberge (2 adultes, 2 enfants), rapidement d'autres membres de la famille se joignent à nous. Il se trouve que les familles vénézueliennes sont étendues, soit au minimum 5 frères et sœurs et une petite centaine de cousins/cousines. Ajoutez oncles, tantes, grand parents et amis. Plus les conjoints.et les bébés.
Nous n'étions que cinquante ce soir là.

On a devant nous toute la brochette de la famille typique de Marcel Dupond et Georgette Dupont, avec la mamie tendre entourée des petits enfants, les frères et sœurs qui s'écharpent sur une discussion politique (le vieux sarkozyste devenant ici jeune cadre anti-chaviste), le pépé qui raconte ses souvenirs d'enfance à des ados avec leurs appareils dentaires qui s'en foutent, préférant plutôt lorgner sur la jolie cousine, qui n'a pas échappé non plus à l'oeil averti du tonton salace, alors que la belle doche drague le beauf de la nièce. D'autres jeunes filles tentent de calmer leur(s) gosse(s) turbulents (âge courant du premier enfant : 16 ans, rarement avec le père qui suit), les tout petits jouent ou braillent ou les deux. Ça parle du petit qui fait ses dents, de le la nouvelle maitresse qui est trop rigide ou trop souple, du nouveau ex petit copain de la sœur de machin, de la nouvelle robe, du dernier 4x4, de ces valeurs morales qui se perdent, de la bonne bouteille de vin chilien ...

La soirée suit son cours, avec d'abord une séance collective de karaoké, plus ou moins réussie, puis arrive enfin la cérémonie des cadeaux. Détail encore une fois relié à la religion, c'est le Niño Jesus (Petit Jésus) qui apporte les cadeaux, pas le père noël, symbole de l'impérialisme américain pour les vénézueliens. (j'avais dit PRESQUE pas de politique). Également, les cadeaux sont groupés, et on ouvre ceux à son nom sans savoir forcément qui offre.

Les plus gâtés sont les plus petits, qui ouvrent en premier : pour les petiTS, un tracteur, un nouveau camion de pompier, une voiture télécommandée, une console de jeux, pour les petiTES, une poupée, une maison de poupée, une trousse de maquillage, ...




Pour les grands, des bonnes bouteilles, des bijoux, la maitresse de maison a même pensé aux sous vêtements : petite culotte pour les femmes, boxer pour les hommes. On ris, on boit, on chante. Et puis détail très important, on danse.
On danse, tout et n'importe quoi. Bien évidemment, la salsa, certes porto-ricaine, mais tellement écoutée qu'on pourrait en parler comme d'une tradition nationale. Également la musique de l'Ouest, de Maracaibo, la Gaita, chants et rythmes de noël devenu patrimoine national. Les plus expérimentés dansent aussi sur la musique llanera, (joropo, vallenato ...). Et puis la rumba, la samba, la musique colombienne, la cubaine, le rock américain, la pop anglaise des années 80, ...




Et puis comme ça jusqu'à tard le matin, où l'on va se coucher.



Au réveil, gueule de bois, aucune énergie, il n'y a plus rien dans le frigo, on range (un peu), puis on va en ville en taxi alors que c'est à 500 mètres, les distributeurs de billets sont vides, les banquiers en vacances, on croise en route le jeune cadre antichaviste qui jure contre Chavez qui fait rien contre les guichets vides, qui nous prend dans sa voiture avec qui on fait le tour de TOUS les distributeurs de la ville, TOUS vides. On va donc demander de l'aide au voisin qui est dans la même situation.
Au retour, la mère de famille fait la vaisselle, la lessive, le ménage et prépare la cuisine. On mangera de la viande sans riz, on boira du Coca ou du Pepsi au petit déjeuner, déjeuner et diner. On regardera les films d'action sur la Fox ou les dessins animés sur Disney Channel sur les chaines cablées. Et puis on discutera avec la voisine, obèse, des derniers ragots du quartier, on dira du mal de certains, du bien d'autres.

Et puis voilà.

Rassurez vous, je ne vous ferais pas tout le détail du jour de l'an. En deux mots, simplement. C'est une fête cette fois entre amis, mais avec son lot de traditions tout bonnement débiles.
Comme brûler un bonhomme remplis de pétards représentant l'année vieille, le 1er à 1h du matin
Comme manger 12 grains de raisins en faisant un voeu à chaque fois, lors des 12 coups de minuit.
Comme porter (pour les filles) une culotte jaune, le 31 pour avoir une année pleine d'amour,
ou avoir un dollar dans la main à minuit, pour avoir une année prospère.




Egalement, je ne vous décrirais pas avec quelle vulgarité les nanas se trémoussent leurs fesses et leurs seins et avec quel sans gêne les mecs les regardent et les collent au son du reggeaton, sorte de mélange entre du ragga et du RNB.
Non je ne vous en parlerais pas.
Ni de l'alcool, ...



par contre, j'ai juste oublié un détail minuscule dont je dois vous entretenir.

Tous ces gens, qui suivent aveuglément des coutumes vieillottes, qui sont consuméristes, qui sont alcooliques, qui n'ont pas de conversation, qui sont machistes, qui font troupeau derrière ces célébrations et qui en plus croient en Dieu (sacrilège) !!!

Tous ceux qui sont décrits là, ce sont eux, les acteurs de la Révolution Bolivarienne.
Le Peuple, que l'on autoproclame souvent, le voilà, dans toute sa révolutionnitude.

Car l'ensemble des gens qui étaient là le 24 décembre sont presque tous membres de la Coordinadora Cultural Simon Bolivar de Guanare, et vont construire des maisons pour les plus exclus, font de la collecte des déchets, donnent des cours du soir aux étudiants, travaillent au Mercal, participent aux conseils communaux, ont crée une radio communautaire. Ils te parlent de la France, de la Tour Eiffel, de Sarkozy l'ami de Chavez, de l'Union Européenne, union des peuples ... et de Voltaire, de Rousseau, de la Révolution Française, de la commune de Paris, de la marseillaise encore ici chant révolutionnaire. De l'Exemple français.
Et ils critiquent les élites bolivariennes qui ne font rien, s'auto-critiquent sur leur attitude au sein du processus, ils sont chavistes, révolutionnaires, sont descendus dans la rue en 2002 pour défendre le processus et se préparent à le faire à nouveau si nécessaire à l'avenir.

C'est aussi ça que l'on apprend ici comme « révolutionnaire » occidental.
A descendre de son piédestal d'intellectuel qui sait, de gauchiste qui donne des leçons de révolution.
A arrêter de mépriser ceux pour qui l'on prétend tout le temps parler.
A arrêter d'être un « gauchiste » qui a absolument raison sur tout,
D'être un « pur », qui a théorisé les conditions de la révolution parfaite, dans les moindres détails
A celui prêt qu'il faut ensuite mettre en pratique cette belle théorie.
A laisser la voix ceux que l'on empêche nous aussi de parler.

Et je sais bien que cela est difficile à entendre, moi même j'ai souvent envoyé balader des gens qui nous disaient justement cela. Et j'en enverrais encore balader une fois rentré pour éviter de me remettre en question. C'est comme ça, certains appellent ça la maladie infantile du gauchisme.
Une grosse baffe dans la gueule en somme, mais qui fait du bien.

Ne voyez là pas d'ouvriérisme, de basisme aucun.
Le peuple n'est pas parfait, le peuple n'est pas une élite avant-gardiste révolutionnaire. Le peuple sent mauvais, pollue, pousse des jurons, est réac, vieillot, attaché à sa sécurité, son bien être personnel, ne voit pas l'intérêt collectif, ne comprend pas qu'il doit suivre la voie révolutionnaire. Le peuple peut se tromper.

Mais, Il nous faut juste ouvrir nos oreilles et écouter, et entendre, et comprendre.

Et quel meilleur moyen de commencer l'année avec cette bonne résolution d'un vieux barbu (citation approximative) : « la révolution ne pourra être l'œuvre que des prolétaires eux-mêmes ».

Ca ne s'invente pas, le maitre de maison chez qui j'étais s'appelait Carlos..

Il est handicapé, en fauteuil roulant, il a la maladie de Guillain-Barré,
... oui celle que l'on attrape en se faisant vacciner contre la grippe A H1N1.
La même grippe qui tue majoritairement les indigènes dans la forêt amazonienne vénézuelienne, plus sensibles à ces maladies occidentales.
Comme les maladies occidentales ont décimées des civilisations lors de la découverte européenne de l'Amérique.
Cette année 2010 l'on célèbre le bicentenaire de la guerre d'indépendance, conduite par le général Simón Bolívar.

J'ai aussi rencontré un des cousins de Che Guevara ce soir là.
On a parlé nanas, bouffe et fait des blagues de beaufs.


Le monde est petit, la terre est ronde, ou carrée, ou plate. Dieu existe, ou pas, ou est une femme.
La révolution continue son chemin, que l'on le veuille ou nous, avec ou sans nous.





Bonne année 2010 ! ....







.... Qu'elle vous soit populiste ....
















....  et populaire ...
















à plus d'un titre !

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