mardi 6 avril 2010

La révolution sur le trône

Non en fait, j'écris tout ça parce que je n'ai rien d'autre à faire pour le moment.
Parce que je suis cloué au lit depuis ce dimanche 4 avril au matin.
Plus de force que de gré.

J'ai enfin réussi à entrer en contact intime avec la si bien nommée turista, soit une séquestration violente des entrailles causée par je ne sais quelle viande trop peu cuite, ou autre délice local aux conséquences gastro enterribles.

Je navigue entre les vagues nauséeuses,
à bâbord la télé du salon à voir les résultats des élections s'afficher,
à tribord, sur mon lit à me tortiller et gémir 
avant de, last but not least, venir m'échouer pitoyablement aux sanitaires.

Au passage, conseil aux voyageurs, au Venezuela comme en Bolivie ou au Pérou ou un peu partout dans le monde, le papier toilette se jette à la poubelle jouxtant (quand elle existe … rire) le sanitaire en question et ne se jette absolument jamais dans la cuvette non-préposée à cet effet, sous peine de catastrophe hydraulique et plus si affinités. Je n'en ai heureusement pas pour l'instant fait l'expérience.

J'avoue qu'il y a comme un air de déjà vu, la dernière fois que j'avais eu un « problème similaire », c'était au Venezuela, à l'hôtel Catedral, de Caracas, la chose étant survenue aussi un dimanche soir après l'ingestion d'un poulet de mauvaise qualité, et semblait-il pas cuit. Ce dimanche là, jour où le secteur n'était justement pas alimenté en eau pour cause d'économie d'énergie. Je vous passe les péripéties mais la nuit fut très courte. Et puis deux jours après j'étais sur pied pour partir fêter noël. comme quoi.

Ici en Bolivie, l'eau elle est coupée tout les jours, de 8h à 12h puis de 18h à 20h30 et plus parfois, non pas pour quelconque politique de développement durable, simplement parce qu'il n'y en a pas assez pour tout le monde, et qu'on est dans le quart-monde et que les nécessités humaines primaires ne sont pas encore satisfaites. 

Tiens, ben voilà justement l'effet concret d'une mauvaise gestion municipale. Pas l'eau courante, encore moins potable, dans une ville de plus de 100 000 habitants en pleine zone tropicale. Pas l'électricité pour 80% de la population, pas de routes en dur, rien, vingt ans que les mêmes corrompus voleurs inactifs, cinq familles qui se partagent la galette, sont au pouvoir et ils ne font rien. Et là se présente enfin une autre gueule, il se trouve que c'est celle du MAS.

On va attendre jusqu'à 23h pour voir des résultats. 
On ne saura finalement que le lendemain matin.
On saura si la révolution est arrivée, si le changement survient dans cette ville.
Si l'on aura bientôt l'eau et l'électricité pour tous.
Et je saurais si, repassant dans le coin dans 5 ans, je pourrais subir de nouveau une jolie congestion gastrique, et garder l'esprit apaisé, à toute heure du jour et de la nuit, car je tirerais la chevillette et la bobinette cherrera.
Pour l'heure, il est une heure, du matin, je suis sur le point de m'endormir.
L'amie chez qui je loge sort en criant.
« Mauro a gagné ! ».
26%.
A peine trois points de plus que les seconds, mais les élections sont toutes à la majorité simple, à a un tour, sauf s'il y a égalité dans les pourcentages.

Donc, c'est gagné. Vraiment. Ils ont gagné. On a gagné.
Je crie de joie ce que je peux ...et me rappellent à l'ordre mes tripes distendues. Joie.
Mon amie est partie faire la fête. Elle boira double pour compenser mon absence. C'est gentil de sa part.
Et moi je suis là à écrire cette histoire pas drôle et pas intéressante afin que mes lecteurs profitent aussi du véritable sens de la révolution bolivienne, soit la révolution par le PQ.

Au matin, continue de me malmener mon bidounet. Et donc conséquence je n'irais pas travailler. J'arrive quand même à émettre un déplacement sur quelques mètres pour aller voir un médecin, au cas où.
Direction donc le dispensaire médical, et quelle fut ma non-surprise de retrouver ... les cubains !
Et oui, ici aussi l'idée fait des émules. En Bolivie, le programme de santé gratuite s'adresse aux populations démunies, soins gratuits, et remboursement des frais de pharmacie sur le salaire à la fin du mois. Et pour les autres étrangers comme moi, il faut payer un petit pécule.
A l'entrée on sent déjà l'atmosphère. C'est bondé. Des gens à gauche, à droite, au milieu. Beaucoup de femmes, beaucoup de bébés, beaucoup de cris et de larmes pour on ne sait quoi. On me dirige vers l'administration où je m'inscrit et paye la consultation d'avance. Et puis l'on me fait asseoir sur l'un des nombreux bancs dans la cour intérieure. En attendant mon tour, j'essaie de comprendre le fonctionnement. Les queues sont très nombreuses mais pas si longues en fait. Entre ceux qui attendent l'infirmerie, le cabinet dentaire, l'ophtalmologiste, les consultations générales, les vaccinations et le service maternité, jamais plus de 4 personnes en attente au même endroit.
Au dessus de nos têtes, une affiche, déjà croisée en pleine ville : luttons ensemble contre le SIDA
solution n°1 : l'abstinence ! Avec la pastille colorée : « Fonctionne à 100% »
solution n°2 : la fidélité, apprend à aimer ton conjoint.
solution n°3 : le préservatif.
« 3 manière d'aimer, 3 manières de se protéger. »
Et en dessous, cerise sur le gâteau : campagne de sensibilisation financée par … l'USAID. Exactement, l'organisation qui sert de paravent aux actions plus ou moins subversives de la CIA dans le monde, et qui a financé directement les « contestations étudiantes » de fin 2008. Etudiant qui taguaient dans les rues de Santa Cruz des croix gammées sur les murs. C'est qu'on sait transmettre les messages de paix et de concorde ici.

Après une petite demi heure, voilà mon tour. Le médecin est direct et demande tous les détails « gastronomiques » les plus appétissants. Il m'ausculte rapidement et voit bien que c'est une indigestion. Efficaces ces cubains ! Blague à part, voilà ce qui me dit ensuite :
« Tu as ta femme à la maison? ». Je lui explique que non. « demande à une des femmes chez toi de te faire une préparation, du riz à l'eau avec de la cannelle. » Un peu incrédule, je me tais et il me prescrit en complément quelques médicaments, en m'expliquant la fonction de chacun et la posologie. Plutôt pédagogue menfin y a encore des progrès à faire au niveau du sexisme. Je plaisante bien sûr, jamais je ne me risquerais à donner des leçons de révolution à donner à un cubain. Ah, il a une écriture tout aussi illisible que nos généralistes hexagonaux.
Je passe au coin pharmacie du centre de santé, où les médicaments sont bien moins chers qu'en pharmacie classique. Il m'en manque un, je file à la plus proche, la pharmacie « Nino Jesus » avec plein d'affiche expliquant que Dieu qui soigne toutes les maladies. Ils ont le médicament qui me manquait.

Au retour, je passe acheter deux trois trucs à l'épicier du quartier. Il voit mon état et s'enquiert de ma santé. C'est gentil. Et puis cheminant vers la maison les voisins, à qui je n'ai jusque là jamais parlé (syndrome isolationniste typique) et qui viennent spontanément prendre les nouvelles.
A la maison, mon amie a préparé diverses décoction, thé à la cannelle, citron, goyave, infusion de cannelle avec du riz, et eau de noix de coco.
Ça ne change pas fondamentalement mon état mais ça fait vraiment plaisir, l'attention semble spontanée, et si elle ne l'est je m'en fous bien.

Le bon côté de cette histoire dont pour laquelle 0,01% se libère 0.01% de votre espace cérébral disponible, c'est que j'ai désormais des abdominaux en béton, et ce sansa bouger de mon lit, par la force des choses.

Et puis que la révolution est arrivée jusqu'à Riberalta.

Donc tout va bien, ou presque.

Faudra juste bien faire à l'avenir de pas choper la crève le jour du Grand Soir.

2 commentaires:

Marion a dit…

Mon pauvre Greg, comme je compatis ! Au moins tu auras un pic de visites pour cet article, j'en suis sûre. les gens...

Sinon, c'est le risque des séjours en contrées "exotiques" pour nos petits estomacs sensibles. C'est sur que c'est horrible mais on n'en meurt pas. J'espère que tu vas mieux ! Mais tu te fais soigner par les "fâmes", ça va :p
gros bisous

Papy râleur a dit…

J'adore la révolution par le PQ, ça remet bien les choses en place, on est dans la merde et on essaie d'en sortir !!!

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